J’avais découvert Olivier Norek avec le formidable et multi-primé* Surtensions dans lequel, outre une enquête menée à cent à l’heure, il démontrait, avec sa bande de flics écorchés, sa capacité à raconter des vies à la lisière de l’humanité ou aux abords de quelques eaux troubles. C’est justement sur ces aspects délicats de qui nous sommes qu’il revient dans Entre deux mondes**, où son immense tendresse pour ses frères humains prend le pas sur une intrigue toujours impeccable mais qui, ici, n’est pas le seul sujet. Entre deux mondes, c’est le monde de la jungle de Calais, coincée entre une ville hostile et une mer, glaciale la nuit, qui mène au pays des rêves : Youké. Norek nous raconte merveilleusement bien le voyage de ceux qui essaient de rejoindre la terre promise, la terrifiante violence des passeurs, la solitude inouïe des gamins esseulés dans cette jungle où certains deviennent des sex toys, les bagarres entre différentes ethnies, les recruteurs de Daesh qui viennent y recruter leurs martyrs, l’impuissance de la police à régner sur une poudrière de cartons, de tentes, de trafics, de faims et de frayeurs. Au travers du parcours, puis de la rencontre de ses deux héros fatigués – Adam, l’ancien flic syrien venu retrouver sa femme et sa fille, et Bastien, flic, dont l’idéalisme est gangréné par une rouille insidieuse, réunis pour sauver ne serait-ce qu’un enfant –, Norek déploie la plus belle palette qui soit des tragédies humaines, notamment cet espoir qui, s’il fait vivre dit-on, est aussi une malédiction. Entre deux mondes est un roman parfait entre deux romans. Celui du bien. Et celui du mal.
* Grand Prix des lectrices de ELLE policier et Prix Le Point du Polar Européen.
**Entre deux mondes, de Olivier Norek. Éditions Michel Lafon. En librairie depuis le 5 octobre 2017.