Dans un polar, bien sûr, il y a l’intrigue.
Un enfant qui disparaît. Une femme retrouvée en morceaux. Un cannibale. Un trafic de drogue qui tourne à l’hécatombe. Un secret de famille enfoui. Une grosse magouille immobilière. Ici*, une ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelle) barge. Mais en fait, on s’en fout un peu. On sait que, peu ou prou, la bonne vieille morale triomphera, que l’enfant sera retrouvé, les morceaux de la femme aussi, le cannibale dévoré, l’ATSEM attrapée, bref que le bien repoussera une fois encore le mal qui rôde mais sans lequel la vie serait si peu inspirante aux écrivains. Non. Ce qui compte le plus dans un polar, ce qui fait que certains d’entre eux sont si forts, vibrants, inoubliables, ce sont les personnages, et surtout le personnage du « héros », oui, comme dans un bon vieux western ou un bon vieux Chandler, Chase, Simenon. Kurt Wallander fit la grâce des romans de Henning Mankell, Matt Scudder celle des livres de Lawrence Block, et Harry Bosch la fortune de Michael Connelly. Ce sont eux dans lesquels nous nous projetons, dans leur force, leurs noirceurs aussi, leurs doutes et leurs fragilités, lesquelles se cognent aux nôtres et leur donnent leur légitimité, leur utilité ; leur faiblesse est la nôtre et elle est belle. C’est là la force tragique de ces héros – nos ombres romanesques.
Alors merci à Véronique Cardi, l’excellente patronne du Livre de Poche, de m’avoir offert ce formidable bouquin et surtout permis de découvrir l’un de ces personnages inoubliables. Tomar Kahn. Accessoirement, l’intrigue est épatante. Bon, je file acheter la nouvelle aventure de Tomar Kahn : Fantazmë**.
*Toxique, de Niko Tackian. Le Livre de Poche, janvier 2018.
** Aux éditions Calmann Levy. En librairie depuis le 3 janvier 2018.