Ils sont marrants les types du ministère. Ils disent que le nombre de chômeurs diminue. Dans une catégorie. Ou une autre. Comme il y a cinq catégories, ça leur permet de noyer le poisson. Ce qu’ils ne disent jamais c’est qu’il n’y a pas six millions et demi de chômeurs, mais six millions et demi fois une personne qui souffre. Qui galère. Qui se bat pour ne pas perdre sa dignité. Son parfum de propre. Son estime de soi. (À ce propos, avoir comme ministre du Travail une femme qui gagnait plus d’un million d’euros/an va sans doute aider la compréhension par le pouvoir de ceux qui n’en ont plus).
Margaux Gilquin, dans Le dernier salaire*, trace sa chute après un licenciement, les petits boulots, les espoirs qui s’évaporent avec le jour, la boule au ventre, le chagrin qui n’a même plus de nom. Margaux raconte sans colère, sans haine, sans mépris, et c’est là l’une des grandes beautés de son témoignage ; cette envie de dignité, ce besoin de survivre malgré la peur qui cisaille, qui coupe la langue et les jambes parfois. « Vous ne me verrez jamais sur un trottoir, écrit-elle page 215, avec des cartons pour m’isoler du froid. (…) Je prendrai mon sac et je partirai. J’irai dans la montagne. Je disparaitrai. De toute façon, je n’ai plus rien ». Aussi, avant cette extrémité, avant que quelqu’un lui offre un « dernier CDI pour la route », achetez son beau livre.
Vous suivrez la route d’une femme touchante et elle, elle touchera ses droits d’auteur.
*Le dernier salaire, de Margaux Gilquin. Éditions XO. En librairie depuis le 14 avril 2016. Prix du Meilleur Ouvrage sur le monde du travail, 2017. Retrouvez Margaux sur son joli blog.