Un jour, on se met à lire un livre* qu’on se promettait de lire. On sait ce qu’on va lire et on le lit. On laisse les mots, les flots, nous submerger. On ne peut rien ajouter à ce qu’ils disent déjà, page 139 : Ils [les Muselmänner, les damnés] peuplent ma mémoire de leur présence sans visage, et si je pouvais résumer tout le mal de notre temps en une seule image, je choisirais cette vision qui m’est familière : un homme décharné, le front courbé et les épaules voutées, dont le visage et les yeux ne reflètent nulle trace de pensée. Lire, c’est retenir le pire des crimes. L’oubli.
*Si c’est un homme, de Primo Levi. Éditions Julliard 1987 pour la traduction de Martine Schruoffeneger. Éditions Pocket, 2009. (Le titre de cette chronique est extrait du livre, page 82).