Archive | août, 2015

Le brise-cœur.

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Pascal Chaumeil* est mort, alors que cinquante-quatre ans n’est pas du tout un âge pour mourir. Avec ce coup bas, il nous prive d’au moins vingt magnifiques films. Mais il ne nous enlèvera jamais le souvenir de sa gentillesse, sa virtuosité de metteur en scène, et nos fous-rires lorsque nous faisions de la réclame ensemble.
* Entre autres : L’Arnacoeur, Un plan parfait, A long way down, et, à venir, Un petit boulot.

Le conseil du Vavasseur.

Quelques jours de transat encore. A suivre, ce conseil de Pierre, à propos du très bon livre de François.

Vavasseur

Article paru dans Le Parisien-Aujourd’hui en France, le 19 août 2015.

Lisez des morts.

Antonio Garrido

À l’heure où les lecteurs professionnels lisent (enfin, parcourent) les textes de l’imminente rentrée littéraire – gigantesque ducasse du livre -, il est un lecteur extraordinaire, lui, qui lit vraiment, et bien au-delà des mots, de leurs significations et de leurs interprétations. C’est Le Lecteur de Cadavres*, ci-nommé Ci, inspiré par l’authentique chinois Song Ci, un homme du Moyen-Âge asiatique, précurseur et père de la médecine légale. Antonio Garrido, enseignant à l’université polytechnique de Valence,  nous offre, avec une écriture précise et pleine d’esprit, un voyage saisissant, palpitant, homérique, à la fois dans la Chine du XIIIè siècle et dans le corps humain, mais surtout, dans l’âme humaine (ses tourments, ses noirceurs et ses fulgurances).
Le Lecteur de cadavres est bien plus qu’un roman. C’est un livre d’aventure, un polar, un livre scientifique, un livre d’amour, de désirs, de tentations et de corruptions, un livre qu’on ne peut lâcher qu’à la sept-cent dix-neuvième page. Tremblez Dr. House, Kay Scarpetta, et autres Experts en fariboles, voici Ci, le lecteur de cadavres qui rend ses lecteurs heureux. Et même plus.

*Le Lecteur de cadavres, d’Antonio Garrido. Éditions Le Livre de Poche. En librairie depuis le 3 juin 2015.

Ecce Eco.

On connaît, bien sûr, l’immense Umberto Eco pour son Nom de la Rose, son Pendule de Foucault et ses formidables essais sur la langue, le langage et autres petites tragédies humaines ; le voici avec un roman* qui dépare légèrement de son œuvre, un peu comme déparait légèrement Le Parfum d’Adam, dans l’œuvre de Ruffin. Numéro Zéro se situe entre la fiction du journaliste et le pamphlet du romancier. Avec une finesse et un humour rares, Eco nous invite dans une salle de rédaction où il tord le cou à l’idée d’un journalisme sincère, au service de la connaissance du plus grand nombre, pour nous faire plonger dans les trucs, astuces et autres petites fourberies de ceux censés nous éclairer. Mais surtout, il raille les « complotistes » en développant la possibilité d’un complot, non seulement crédible, mais extrêmement bien documenté, sur Mussolini – lequel n’a cessé d’empoisonner la vie politique italienne, même (et surtout) après, sa supposée mort en 1945. Eco nous offre un roman rapide, précis et jubilatoire, ce qui, en ces périodes d’actualités journalistiques affligeantes, est bien précieux.

Umberto Eco

*Numéro Zéro, Umberto Eco. Éditions Grasset. En librairie depuis le 13 avril 2015.
PS. Ce bijou, page 152: « Les yeux des gens s’humidifient et tout le monde est satisfait. Il existe un mot allemand, Schadenfreude, la jouissance de l’infortune d’autrui. C’est ce sentiment qu’un journal doit respecter et alimenter ».

Trois Monnin sinon rien.

Isabelle MonninIsabelle MonninIsabelle Monnin

Rentrée littéraire 2015. Après trois romans* où la mort était assez présente, « celle d’un nourrisson de six jours, d’une sœur morte trop tôt ou d’un vieillard disparu trop tard » (page 282), Isabelle Monnin s’attaque avec bonheur à la vie**. Celles de ces gens dont elle achète un jour sur Internet les photos à un brocanteur du Nord : 250 tirages papier ou Polaroid ; des photos comme on en trouve dans tous les albums des petites gens, de ceux « dont on ne parle jamais » et dont la vie est vécue par tant de gens ; un lot qui viendrait, selon le vendeur, du Doubs ou de Franche-Comté.
Les visages, les images, les instantanés captés, ce qu’ils disent, ce qu’ils cachent, s’insinuent, poussent, et deviennent, malgré elle, son histoire, « (…) toute vie vaut la peine d’être racontée. Chaque vie est un témoignage de toutes les autres » (toujours page 282**). Devant ce matériau réel (les photos), Isabelle décide d’écrire le roman des images. Puis de mener l’enquête, de retrouver les gens dans l’enveloppe, de confronter sa fiction à leur réalité ; puis, comme dans les joyeuses retrouvailles, de finir en chansons. Et c’est là qu’Alex Beaupain intervient, qui, à son tour, raconte les rencontres (réelles et fictives) en 12 superbes chansons où il fait chanter des chanteurs (fiction) et quelques personnes de l’enveloppe (réel). Il semble d’ailleurs que le rapport réel/fiction soit au coeur de la rentrée littéraire de Lattès. Bref. Isabelle Monnin nous fait trois très délicats cadeaux avec ce livre : un roman très poétique, une enquête très humaine et un très bon CD (avec une bouleversante reprise des Mots Bleus).

*Les Vies extraordinaires d’Eugène, Second Tour ou les bons sentiments et Daffodil Silver, tous parus chez JC Lattès.
** Les gens dans l’enveloppe, avec Alex Beaupain. Editions JC Lattès. Sortie prévue le 2 septembre 2015.
***Non, je n’ai pas lu que cette page là.