J’ai eu la chance de croiser Frédérique Leichter-Flack, il y a une quinzaine de jours, au salon du Livre de Saint-Étienne – où elle reçut le Prix Coup de Cœur du Point (Coup de Point aurait été épatant) –, parce que je n’aurais jamais pu mettre un visage sur l’auteur de ce livre, ou ce livre sur ce visage. Qui vivra, qui mourra* est un fascinant essai sur la question de savoir qui sauver quand on ne peut pas sauver tout le monde. « Qui doit vivre, s’interroge-t-elle page 49, quand tout le monde ne peut pas vivre ? La question est toujours un piège. Reste à savoir si on peut l’éviter ». Frédérique va chercher ses réponses chez Primo Levi, David Rousset, John Steinbeck, Kazuo Ishiguro, Yann Martel, William Styron, dans les films Hunger Games, Saw, Hôtel Rwanda, et tant d’autres, dans le cyclone qui ravagea la Nouvelle Orléans, dans la pénurie alors prévue des premières trithérapies en France, dans les dons d’organes, et nous renvoie à nos peurs, nos immenses lâchetés, nos forces impressionnantes et notre délicieuse intelligence. (À ce sujet, je vous conseille de vous précipiter aux pages 155 et 156 où elle nous raconte le Talmud imaginant deux hommes dans le désert avec une seule gourde d’eau. Brillant et drôle). Un texte virtuose à lire comme on écoute un prof passionné et passionnant – ce qu’elle est – et dont on sort infiniment plus humain. Une petite question en guise de conclusion souriante : de Chevillard, Montety et Trapenard, on ne peut en sauver qu’un. Lesquels ne choisissons-nous pas ?
*Qui vivra qui mourra, Quand on ne peut pas sauver tout le monde, de Frédérique Leichter-Flack. Éditions Albin Michel. En librairie.
PS. En 1956, le jeune Tintin, alors suspendu à une corde dans l’Himalaya, se posait déjà la question de qui sacrifier entre deux personnes.