Rentrée littéraire 2018. Inès Bayard a 26 ans ; l’âge du romantisme fou, des soldes chez Sephora, des copines, des premiers boulots, des histoires d’amour qui s’allongent, font des promesses, l’âge où tout est possible, où l’on sait que le monde est un jardin et l’avenir radieux, mais la voilà qui prend la plume et décide d’écrire un roman dont les deux principaux mots du titre flairent déjà le drame, la souffrance – la suffocation précise même la quatrième de couverture.
Le malheur du bas* raconte Marie, raconte le couple qu’elle forme avec Laurent, raconte son viol, son silence et les tragédies qui s’ensuivent. À l’heure où la parole des femmes victimes de la viol-ence des hommes se libère doucement, Inès Bayard ose le silence, ose la culpabilité atavique des femmes, ose le renoncement de soi avec le risque de faire triompher une fois encore le bourreau. Même si la punchline comme on dit dans les stand-up est prévisible dès le début (et je trouve dommage qu’elle ait choisi celle là qui m’apparaît comme une sorte de déni de son propre livre), Inès Bayard livre un livre brillant, dérangeant, hors de la bien-pensance et qui, du coup, devrait faire bien penser, à l’heure où la littérature baisse un peu les mots face à la terreur de la morale.
PS. Je n’ai pu, en lisant, m’empêcher de penser à ce film* absolument bouleversant, dérangeant et, pour le coup, suffocant : Hungry Heats, que je vous conseille plus que vivement.
*Le malheur du bas, de Inès Bayard. Éditions Albin Michel. En librairie depuis le 23 août 2018. Dans la dernière sélection du Prix Fnac et la première du Goncourt 2018.
*Hungry Heats, un film de Saverio Costanzo avec l’impeccable Adam Driver. En vidéo.