J’ai eu la chance de recevoir un exemplaire du récit de Vanessa Springora, Le Consentement 1, avant que celui-ci ne soit sur les tables des libraires. Je l’ai donc lu avant de lire tous les articles qui sortent depuis quelques jours, cette diarrhée de papiers qui atteint même les journaux qui se faisaient, comme Le Monde en 1977, ou des écrivains qui trouvaient alors cela normal qu’une fille de quatorze ans se « sacrifie » à l’œuvre de l’artiste (page 142), n’est-ce pas mon cher Cioran ? les chantres des mœurs de Matzneff, ce tout petit Mr. Propre qui se prenait « pour l’as des as, le meilleur des amants, [mais] ce qu’il était pathétique en réalité ! » (page 198). Vanessa Springora raconte dans une langue d’une pudeur époustouflante son histoire avec le minuscule Mr. Propre, peau lisse, crâne rasé, obsédé par son image, « Deux fois par an, G2. se rend dans une clinique suisse spécialisée où il se nourrit presque exclusivement de salades et de graines, où alcool et tabac son bannis, et d’où il revient chaque fois rajeuni de cinq ans » (page 118), cette histoire dans laquelle elle s’englue malgré elle, avec l’assentiment de sa mère (ah, certaines mères, souvenons-nous de celle de Flavie Flament qui la livrait3 littéralement à un autre pédophile notoire, David Hamilton) et de laquelle elle se sauvera le jour où elle comprendra les mensonges, l’emprise, la méprise et au fond toute la violence de Mr. Pas Propre à l’endroit même de l’enfance. Je vous laisse lire les articles, les commentaires, ils sont partout, comme des rats, à propos de cette terrifiante affaire où le silence de toute une caste est plus que flippant – eh, G4, réveille-toi, arrête de publier l’apologie de la pédophilie, du tourisme sexuel, cesse tes complicités malsaines, elles sont des encouragements. Il y a juste une chose que je voulais vous dire, en fait. On connaissait tous les dégueulasseries du bonhomme. Mais je croyais que Matzneff était mort. Mais mort. Vraiment. Comme ces gens dont on n’a plus vraiment de nouvelles depuis un certain temps et à propos desquels on s’exclame un jour, parce qu’on vous en parle : Mais, il est pas mort, lui ? Des gens dont on se fout, à vrai dire. Et donc, croyant qu’il était mort, j’étais triste. Parce que je ne pouvais plus lui dire de son vivant qu’il est une immense daube. Que son « art » ne justifie en rien ses crimes. Alors, puisque tu es vivant, Mr. Pas bien Propre, je te le dis. Tu es ce que l’homme est de plus chien.
1. Le Consentement, de Vanessa Springora. Éditions Grasset. En librairie le 2 janvier 2020.
2. Dans le livre, V (Vanessa), nomme Gabriel Matzneff pat la lettre G. et parfois G.M
3. La Consolation, de Flavie Flament. Lattès, octobre 2016. Le livre de poche, mai 2017.
4. G comme Gallimard*, cette fois : http://www.gallimard.fr/Contributeurs/Gabriel-Matzneff
PS: L’affaire ne fait que commencer: https://www.lefigaro.fr/actualite-france/matzneff-le-parquet-de-paris-ouvre-une-enquete-20200103
* Finalement, huit jours après, l’éditeur réagit. Comme on interdit la vente d’allumettes après un incendie de forêt: https://www.lefigaro.fr/flash-eco/gallimard-arrete-de-commercialiser-le-journal-de-gabriel-matzneff-20200107
Quatre mois après, on rit encore : https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/affaire-gabriel-matzneff/affaire-matzneff-l-ancienne-ministre-de-la-sante-michele-barzach-entendue-par-les-enqueteurs_3938765.html