1122 pages*. L’équivalent d’une demi Bible. Justement. Dans cet énorme pavé de Hanya Yanagihara (dont c’est le deuxième roman, flopée de Prix) il est question de quatre amis. Willem, acteur. Belle gueule. JB, peintre. Haïtien. Un genre de Basquiat. Malcolm, architecte qui attend son heure de gloire. Et Jude. Le mystérieux Jude. C’est autour de lui, de son mystère, de ses souffrances que gravite le monde des autres. Je n’aurais pas la prétention de vous résumer ce pavé en quelques lignes. Juste vous dire comment je l’ai lu. Et du coup, trouvé passionnément iconoclaste. Donc. Je me souviens avoir vu enfant un tableau de crucifixion surmonté d’un panneau sur lequel on pouvait lire Jude. (Depuis, il semble que l’Église ait préféré les initiales INRI pour « Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum », autrement dit « Jésus le Nazôréen, roi des Juifs », plus chic). Là où ma lecture m’est devenue captivante, c’est que j’ai lu le personnage de Jude comme étant une sorte de Christ, dont la souffrance, les automutilations, le mystère, les fractures, les ombres, l’enfance fracassée, les passages horribles, étaient une métaphore de celle de celui de la Bible. Vous me suivez ? Et que ses trois amis, d’une certaine façon, étaient ses apôtres. Le tout dans le New-York d’aujourd’hui, enfin, d’avant le Covid-19. Donc, ce livre qui en a épuisé certains, m’est apparu comme une lecture hallucinée de ce type dont la légende a bouleversé le monde il y a 2020 ans et dont on pouvait se demander s’il lui aurait été possible d’avoir Une vie comme les autres. Maintenant, je me suis peut-être complètement gouré. Et c’est ça qui est épatant avec les livres. Celui qui le lit qui en fait quelque chose d’unique.
* Une vie comme les autres, de Hanya Yanagihara. Traduction de Emmanuelle Ertel. (Pour le fun, et en se référant à la grille tarifaire de l’ATLF de 2012, à 20 euros en moyenne la page, cela fait une traduction à 22.400 euros). Édition Buchet-Chastel (2018). Livre de Poche (2019).