Emmanuel de Waresquiel a peu ou prou mon âge et il me semble néanmoins qu’il a deux ou trois cents ans de plus, sans doute à cause de son abondante bibliographie remplie d’essais littéraires et historiques — on y croise Richelieu, Talleyrand, Félicie de Fauveau, le général Mouton, Fouché, Marie-Antoinette, et j’en passe —la plupart couronnés de Prix prestigieux, et je me dis qu’il faut avoir eu beaucoup de vies soi-même pour pouvoir les remplir de celle des autres.
Le voici qui nous délivre aujourd’hui un récit intimiste*, Voyage autour de mon enfance, où il raconte la sienne, dans l’ombre du château familial, celui de Poligné, sis à Forcé (Maine), dans le ballet gracieux des serviteurs, la douceur d’une mère, la fierté d’un père, le tout persillé d’évocations littéraires et historiques, un peu, il est vrai, à la manière d’une visite guidée. Et tout cela est d’autant plus passionnant que nous avons précisément trois ans d’écart, Waresquiel et moi, que nous sommes censément avoir vécu au même siècle, et pourtant, nulle trace de Sylvie Vartan dans son livre, de Bernard Golay et de « La Une est à vous », d’une Motobécane ou des livres de Pagnol, pas plus qu’une boutanche deValstar et quelques clopes fumées en douce. Au fond, c’est cela qui m’a enchanté dans ma rencontre avec ce texte : que l’on puisse avoir des enfances si différentes et finir tous deux par les écrire, pour les retenir encore un peu, avant des perdre tout à fait.
Ah si. Un point commun quand même entre nous. Il évoque Saint-Tropez et Brigitte Bardot. C’est la seule connaissance commune de nos deux enfances, et pas la plus vilaine.
*Voyage autour de mon enfance, d’Emmanuel de Waresquiel. Éditions Tallandier. En librairie depuis le 10 mars 2022.