Je n’ai pas fait attention. Je pensais lire un roman*, et pas n’importe lequel puisqu’il est censément le second de l’auteur de La Vraie vie, succès mémorable, petit monde germanopratin émoustillé devant cette ravissante belge blonde sortie de nulle part, éditeurs en pâmoison qui tentent de se l’approprier, et voilà que j’ai finalement eu affaire à un recueil de nouvelles, mais qu’importe : une quinzaine de portraits de gens qui ont pour point commun d’être, à un moment donné, à une station-service. Il y a l’histoire d’une petite fille violée par un dauphin. Celle d’un cheval qui tue l’homme qui lui a tiré dessus. Celle d’une esthéticienne spécialiste en épilation intégrale qui se fait fouiller par un couple de gynécologues et ne trouvera la jouissance qu’une fois son vagin plein de miasmes et autres MST. Celle d’un queutard qui bande mou. D’une femme qui tue son mari sans que l’on sache vraiment pourquoi et balade son cadavre** à l’arrière de son Hummer diesel. La vraie vie, quoi. On peut alors prendre le livre pour du grand n’importe quoi, « du ni fait ni à faire » a même tranché une journaliste à la radio, elle-même écrivain. Ou se dire qu’il y a là une tentative de secouer le cocotier de la littérature proprette, germanopratine justement, en portraiturant le sordide, le dégueu, le beauf et cherchant à choquer le bourgeois tout en essayant de le faire sourire. Eh bien moi, qu’est-ce que voulez, j’aime les gens qui secouent les cocotiers.
*Kérozène, d’Adeline Dieudonné. Aux éditions L’Iconoclaste En librairie depuis le 1er avril 2021 (ah, la bonne blague, tout comme la faute d’orthographe dans le seul mot du titre — ceci dit, on peut aussi appeler ça une licence poétique).
** Idée qui préside à l’histoire de son prochain roman, Reste, publié par L’Iconoclaste. En librairie le 6 avril 2023.