Un soir d’anniversaire, alors que la fête bat son plein chez lui, un homme vole la Porsche de l’un des invités, s’enfuit avec l’une de ses deux filles (elle a quatre ans) et ils disparaissent tous deux après que le narrateur nous apprenne, dès la quatrième phrase, qu’il a commis l’irréparable.
Voici le point de départ de l’envoûtant premier roman* de Nicolas Cauchy, paru en 2006 et que je viens de découvrir.
Envoûtant, à cause du parti-pris de la narration — elle s’adresse au héros (si l’on peut dire) avec ce vous du vouvoiement qui scande tout le récit, presque comme une stroboscopie ; qui nous désigne l’irréparable tout en nous en maintenant à distance ; ce vous, justement, qui nous retient, comme une laisse un chien prêt à bondir.
Car on aurait envie de bondir dans chacune des pages, sur chacun de ces mots, dans cette horreur qui s’avance, et ouvrir les bras pour faire barrage, l’empêcher, la contenir peut-être. Mais le torrent des mots nous balaie, nous bouscule et nous entraîne, groggy, jusqu’à l’étonnant final, sans que nous n’ayons jamais rien pu faire.
Parfois la littérature s’amuse à vous casser la gueule.
*La véritable histoire de mon père, de Nicolas Cauchy. Éditions Robert Laffont. En librairie depuis le 19 janvier 2006.