Retour au Touquet qui tient une si grande place dans mon enfance et dans mes livres, dans la très belle Maison de la Presse de l’adorable Delphine Dausque. On parlera de la joie de tout ce qu’on peut faire avec 15 millions, comme acheter 2 142 857 galettes jambon fromage aux Mignardises, rue Saint Jean, ou 75 000 000 de minis Chats Bleus, toujours rue Saint-Jean, ou encore 191 ans au Westminster (sans le petit déjeuner).
Régime sec depuis une semaine. Essayage de maillots. Finalement la mode toge de Demis Roussos revient à la mode. Me voici pendant deux jours à La Baule, au jardin de la Victoire, pour la formidable aventure du Camion qui Livre du Livre de Poche. Tous les renseignements ici.
Dans la dédicace qu’elle a jointe à son livre, Karine m’écrit ceci : Bienvenue à bord de Dernier bateau pour l’Amérique où s’enchevêtrent la fiction et la vrai vie, le très intime et la grande histoire ». La fiction, c’est ce que Karine va tenter de reconstituer de la vie de sa mère qui vient de mourir, et la vraie vie est ce qu’elle va en découvrir : cette effarante absence d’amour maternel. C’est là, dans cette lisière floue entre la réalité et la vérité qu’elle navigue avec beaucoup d’émotion et de pudeur, dans le sillage reconstitué (dont on pourrait dire d’après une histoire vraie) de sa mère. Parlons-en, de sa mère. La guerre. La persécution contre les juifs. La fuite en bateau en Amérique. Son immense don de pianiste. Cette vie au loin qui s’ouvre, comme une promesse. Et puis le retour à Bruxelles, cette déchirure. Ce piano qui la suit, comme une ombre, une joie, une menace. Et l’amour enfin. Un goy. Un beau parleur. Un salaud. Et la chute infinie en soi. Revenons à Karine. Une auteure qui soudain interrompt le roman qu’elle est en train d’écrire pour écrire ce livre-ci parce que sa mère vient de mourir et que le froid se fait tout à coup. Violent. Des ronces de glace. Il lui faut alors urgemment dénicher, débusquer, déterrer même, les mots qui la séparent et la relient à cette mère fantôme. Dernier bateau pour l’Amérique est le beau livre d’une traversée à travers un livre en train de s’écrire. Le plus difficile. Le plus douloureux. Le livre sur la mère.
Voici qu’un jour un certain M. invite Irène à animer un atelier d’écriture et qu’Irène n’écoutant que son cœur rempli de mots accepte bien volontiers et se met alors à écouter* justement les mots de son cœur. Écouter ce qu’ils disent, les mots ; ce qu’ils disent quand ils parlent ou se taisent, car le silence est parfois bavard. Elle ausculte alors les mots en formidable romancière qu’elle est, mais plus encore en jeune fille jamais guérie d’une curieuse mère. C’est cette curiosité intime qui anime tous ses livres, jusqu’à celui-ci où elle tente de remonter ses propres torrents d’écriture comme un saumon qui va se reproduire. Ainsi reproduit-elle les peurs de l’écriture, les doutes, les tragiques banalités et les grâces folles et si, in fine, elle persille ici et là quelques précieux conseils aux apprentis écrivains, elle partage surtout brillamment son vertige d’auteur, de femme et d’enfant jamais tout à fait guéris. Ce qui fait de sa vie le plus beau de ses romans.
*Écrire est un roman, de Irène Frain, aux éditions du Seuil. En librairie depuis le 6 octobre 2023.
Granville, premier port coquiller de France. Les coquillages sont comme les livres. Approchez-les de votre oreille, vous verrez qu’ils vous parlent. Venez les écouter ce week-end, entre deux bains de soleil.
Salon du livre de Granville, 13 juillet après-midi et 14 juillet toute la journée, Salle de Hérel. Tous les renseignements ici.