Archive | août, 2024

Du bruit et du silence qui s’en suit.

Une vieille dame entend un bruit dans son appartement. Cela devient une obsession. Sa fille et son petit-fils débarquent pour l’aider à débusquer l’origine de ce bruit, mais eux n’entendent rien. Qu’entend-on d’ailleurs du bruit des autres, de leurs cris de silences, de leurs douleurs muettes ? Ce bruit qu’elle est seule à entendre, ce bruit dans sa tête, c’est le bruit, disait Prévert, que fait le bonheur en s’en allant. Le bruit du temps où l’on vivait ensemble dans ce merveilleux quartier de Marakech, « ce bruit qui se forme quand les vies s’affirment » (page 122) ; et puis le tragique du temps ; le bruit devient pierre et la pierre silence, qui écrase les derniers murmures des derniers juifs, emportant tout et nous abandonnant au vacarme du nouveau monde. Tout le bruit du Guéliz* est un premier roman brillant, poétique et mélancolique — et j’aime profondément l’idée qu’un jeune écrivain de 27 ans ait eu l’audace de se retourner et de retourner au chemin parcouru pour arriver jusqu’à lui.

*Tout le bruit du Guéliz, de Ruben Barrouk, aux éditions Albin Michel. En librairie depuis le 21 août 2024.

J’adore les rencontres.

Comme celle-ci l’an dernier à la Foire du Livre de Paris. 
À l’issue d’une autre rencontre publique animée par Mohammed Aïssaoui, voilà que je fus abordé par une femme qui venait d’écrire un roman et me demandait si je voulais bien le lire. 
Bien sûr, répondis-je. 
Je reçus son manuscrit à New York, quelques semaines plus tard. Il était fort épais et son titre m’inquiétait un peu. Je le mis donc sur ma pile — pour plus tard. Et plus tard, justement, elle me demanda par mail si j’avais eu le temps d’y jeter un œil. 
Bien joué. 
Je me mis donc sans tarder à sa lecture et, dès les première pages, fus happé, séduit, envouté même, par son écriture brillante, lumineuse, poétique et parfaite. Tout autant que par son histoire. 
Celle d’une femme qui cherche à se retrouver après les bousculades d’un père, les errances d’une famille, les tourbillons d’une vie ; une femme qui décide enfin de s’aimer car il n’y a qu’en s’aimant que l’on peut aimer le monde. 
Et être aimée à son tour. 
Le Tube de Coolidge* est un premier roman d’une très grande beauté ; immense, comme le talent de son auteur. 
Quel bonheur, dix-huit mois plus tard de le savoir là. Vivant. Un cœur qui bat à portée de main. 

*Le tube de Coolidge, de Sonia Hanihina, chez JC Lattès. En librairie le 21 août 2024. 

Vendredi 30, samedi 31 août et dimanche 1er septembre.

Dernier salon de l’année pour Jocelyne, sans doute l’un des plus beaux, face au lac Léman, côté suisse. C’est Le livre sur les Quais, à Morges, et vous n’imaginez pas ma joie à y revenir. (En plus, on s’offrira une croisière-rencontre animée par le formidable Patrick Morier-Genoud, et ça, ça fait des souvenirs immenses).
Tout le magnifique programme ici.

Un auteur à suivre, à filocher, à traquer.

Voici un premier polar* si bien fait qu’on le croirait d’ailleurs traduit de l’américain, et s’il n’est pas encore, scénaristiquement parlant, au niveau d’un Block ou d’un Connelly, parions que Alain Decker, d’ici deux ou trois livres comptera parmi les grandes plumes polardeuses françaises.
Jours de ténèbres se lit d’une traite par la grâce de son écriture fluide, son rythme et ses ténèbres, et même si je pense que le tout aurait gagné à être resserré (mais que voulez-vous, quand on écrit un premier livre on est toujours un peu bavard), on tient là ce genre de livre haletant qui nous pousse toujours plus vite à en connaître la fin.
Le problème, comme souvent chez Harlan Coben d’ailleurs, c’est que ces histoires qui commencent sur les chapeaux de roues peinent à délivrer un final à la hauteur de leurs promesses car, franchement, les raisons qui poussent un assassin (à part ceux du génialissime Thomas Harris) à énucléer, dévorer un cœur ou coudre une bouche ne sont jamais vraiment une surprise.
Mais ce n’est pas là l’important dans un polar. C’est le chemin qui nous a fait panteler, tourner les pages en tremblant, donner envie d’être à la fin déjà et surtout ne pas y être encore, et de ce côté-là, Decker a plus que tenu la corde.

*Jours de ténèbres, de Alain Decker, aux éditions Robert Laffont, coll La bête noire. Grand Prix des Enquêteurs 2023. En librairie depuis le 14 septembre 2023.