Bien sûr — puisqu’on est chez Emma Becker et que depuis son aimablement sulfureux La Maisonl’introduction du porno dans sa littérature est une marque de fabrique —, il y a dans Le Mal joli, pages 58,59 et 60, une longue scène de lavement anal préalable à une sodomie, pages 189 à 191, un anulingus fort documenté et, partout ailleurs beaucoup d’enculades (sic), de pompages (re-sic), de foutre, de draps trempés et de pantalons tachés mais, et à part faire frétiller quelques viagroneux, ce n’est pas le cul pour le cul qui est ici important, mais le fait qu’il devient langage.
En effet, la passion de l’héroïne pour son joli mâle, et vice versa, vire assez vite à l’obsession, puis à la passion, et c’est d’abord avec le langage de la chair que l’exprime Becker avant de s’aventurer avec brio dans le langage des mots, le sang du verbe, toutes ces choses qui soudain ne se touchent plus, ne se dévorent plus, mais se ressentent — pour ceux qui en ont le don. Et si la bonne société nous présente encore la passion adultérine comme coupable et la chair crue comme une immondice, Becker s’en fiche royalement, et les revendique même, au nom que « se dire que sans cette personne qui a tout brisé par sa seule présence, on aurait pu passer à côté de sa vie sans même sans rendre compte ».
Le mal joli est un livre passionné sur une passion — celle d’Emma Becker et Nicolas d’Estienne d’Orves. Et si tout n’y est pas totalement réel, tout y est totalement vrai.
*Le Mal joli, de Emma Becker aux éditions Albin Michel. En librairie depuis le 21 août 2024. Prix de la rentrée 2024 du festival des écrivains chez Gonzague Saint Bris. En lice pour le Prix Femina.