Prenez une bête. Faites-lui bouffer un bébé. Cela donne le terrifiant Rat de Venise1, de Patricia Highsmith. Ou le jubilatoire Procès du cochon2, de Oscar Coop-Phane. Dans le premier, le réalisme le disputait à l’horreur. Dans le second, c’est la farce qui l’emporte. Car enfin ce cochon cannibale, arrêté juste après son forfait, alors qu’il était « allongé sous un arbre et sa bouche laissant échapper des bribes de sang chaud » (page 55) ne proteste pas, ne clame pas son innocence, n’accuse aucun autre de ses congénères, il ferme son groin, s’écrase comme une tranche de jambon, se laisse accuser, condamner, supplicier et achever en eau de boudin. La justice des hommes est bien prompte à juger ses semblables, ces temps-ci. Coop-Phane nous offre ici une farce tragique qui me fait penser à la fin de cette magnifique chanson d’Higelin intitulée L comme Beauté3:
Tu es la beauté que j’adore
car elle m’a appris à aimer
et à comprendre la laideur
qui est le miroir
où je peux contempler
ma vérité.
1. Le Rat de Venise et autres histoires de criminalité animales à l’attention des amis des bêtes, de Patricia Highsmith. Editions Calmann-Lévy (1993) et Livre de Poche (1994).
2. Le Procès du cochon, de Oscar Coop-Phane. Editions Grasset. En librairie depuis le 9 janvier 2019.
3. No man’s land, de Jacques Higelin, 1998. EMI Pathé Marconi. (Sublissime son en vinyle).