Dans la famille Decoin, il y a Henri, le grand-père, mais surtout l’inoubliable cinéaste de La vérité sur bébé Donge et Razzia sur la chnouf. Il y a Didier, le père, romancier magnifique, John L’Enfer (Goncourt 77), Henri et Henry et Le bureau des jardins et des étangs. Puis Julien, petit-fils et fils, assistant réalisateur et romancier, auteur aujourd’hui d’un troisième roman, Platines, dont la quatrième de couverture précise qu’il s’agit ici d’un « roman à la fois nostalgique et extrêmement contemporain, dans un esprit punk et romantique ». À sa lecture, je n’ai pu m’empêcher de penser à un cocktail familial puisque dans Platines, on trouve un vieil écrivain qui a eu le Goncourt en 78, qui a réalisé le film de son livre, qui n’arrive plus à écrire, et que la rencontre d’une jeune femme dans un PMU va « réveiller » en réveillant le souvenir de Platine, la chanteuse rencontrée dans le NY fou des 70’s et avec laquelle il a eu une histoire d’amour, d’héroïne, d’alcool triste et sur laquelle il aura écrit Platine, le livre qui, dans Platines aura le Goncourt en 78. Platines, sans doute truffé de clins d’œil familiaux, est un voyage sous acide dans ce New York de Warhol, de musique punk et de bars, mais surtout une réflexion âpre et désabusée sur la création et ses ravages. « Ce qui compte, ce n’est pas les soirs où l’on crée, mais tous les jours vécus avant » (page 44). Écrire, c’est aimer écrire, écrit Julien Decoin quelque part dans son livre, davantage que ce que l’on écrit. Là où ce livre est émouvant c’est qu’il dit aussi que lorsqu’on n’aime plus sa vie on en perd jusqu’à l’envie d’aimer écrire cette tristesse-là. Mais ici, ne plus pouvoir écrire donne encore un livre. Ouf.
*Platines, de Julien Decoin. Éditions du Seuil, collection Fiction & Cie. En librairie depuis le 14 août 2019. (Un très grand merci à Nathalie Fiszman pour cette découverte).