J’ai acheté le dernier Grangé le 2 mai de cette année, le jour de sa parution, c’était dire mon impatience à retrouver un auteur dont je suis fan depuis l’incomparable, l’immense Vol des cigognes*, et pourtant je viens seulement de le lire, d’une traite, à la faveur d’un voyage entre Heidelberg et Paris. Clémenceau ne disait-il pas que le meilleur moment est dans l’escalier ?
Je viens de fréquenter les fins fonds du porno le plus trash. Je viens d’assister aux plus étonnants ficelages de corps selon les règles de l’attachant shibari. Je viens de frôler la pire folie des hommes, celle qui dégrade, humilie et embrase tout. Je viens de plonger dans les eaux les plus froides de la viscosité humaine dont les écumes sont des lames de cutter. Je viens de suivre une enquête sanguinolente, de découvrir des crimes dégueulasses. Je viens de sortir d’un dossier criminel absolument fou, démesuré, improbable, sublime ou ridicule. Je viens de sortir la tête d’un ventre vermillon. J’ai tout supporté parce que je laisse Grangé m’emporter où il veut, sur ses terres et dans ses terreurs ; parfois dans ses rédemptions.
J’ai juste un micro-bémol cette fois ça parce que je n’ai pas retrouvé, malgré quelques fulgurances ici et là, son écriture qui me happe –baroque, créative, tellement imagée –, cette Grangé touch qui fait de ses textes des grands textes de littérature noire, et même au-delà. Deux hypothèses à cela. Ou j’étais trop pressé de plonger dans ses lacs de sang et j’ai moins fait attention. Ou il était trop pressé de m’y plonger et il a moins fait attention. En tout cas, attachez-vous. La Terre des morts est une fascinante terre mouvante.
* Le Livre de poche, 1994.
*La Terre des morts, de Jean-Christophe Grangé. Editions Albin Michel. En librairie depuis le 2 mai 2018.