Author Archive | Grégoire Delacourt

Of The Court.

First thing

Malgré quelques différents culinaires (cuisses de grenouilles vs. sauce de poulet à la menthe), c’est rudement agréable de se retrouver* au pays des Beatles, de Nick Hornby, d’Amy Whinehouse et de Keira Knightley.

*The First thing you see, superbe traduction d’Anthea Bell. Éditions Weidenfeld & Nicolson. En librairie.

Les ouilles de Jean Teulé.

Teulé 1Voici la véritable histoire d’Héloïse et Abélard*, sous le règne de Louis VI, dit Le Gros (1081-1137), narrée par le plus gouleyant, le plus truculent, le plus ouillu de nos raconteurs : Jean Teulé. Si on sait tous qu’une formidable passion charnelle incendiât le début de la relation entre le dialecticien redoutable et la nièce du chanoine Fulbert (avant de s’achever en mysticisme niais), jamais un auteur n’y avait posé les mots crus et gourmands de la chair. Dieu s’est introduit dans mes génitoires (page 39). Peu à peu, le cul rougit en d’autres endroits (page 45). Ils sont doux tes cheveux, mon amour. On dirait les poils de ton cul (page 65). Fous t’en trois. T’es une pute. Allez ramone (page 106). Etc. Teulé ressuscite San Antonio, Rabelais, et Robert de Blois, pour écrire ce récit jubilatoire qui éclaire ce que l’Histoire avait maintenu à l’ombre des robes et autres sombres soutanes. Enfin, à ceux et celles qui me demanderaient pourquoi son livre est sur des carottes, je les renverrais à cette douce promesse de la jeune Héloïse : Omnia tu mihi facis tibi facio, autrement dit : Tout ce que tu me fais je te le fais. Voilà comment la carotte (sauvage, blanchâtre et à peau coriace dans le livre) se retrouva dans le « gouffre » d’Abélard, pour son plus grand plaisir, semble-t-il.

*Héloïse, ouille ! de Jean Teulé. Éditions Julliard. En librairie depuis le 5 mars 2015.

Du gros, du grand, du Grangé.

Grangé

Rentrée littéraire 2015. Cette fois-ci, c’est l’Homme-Clou*. Terrifiant tueur dans les années 70. Il sévissait dans le Bas-Congo. Il avait pour délicatesse artistique de planter des clous dans les épaules et les joues de ses victimes, des morceaux de verre dans leurs corps, des bouts de miroir dans leurs yeux. Ils devenaient ainsi des minkondi – qui protègent du mal, des malédictions. Il devint le nganga blanc. Et fut arrêté par un flic barbouzard. Puis conduit chez les fous, quelque part en Bretagne. Et voilà que quarante ans plus tard, un corps est retrouvé. Mort. Planté, plutôt. Avec des clous. Puis un deuxième. Un troisième. Pendant 777 pages, Grangé joue avec nos nerfs comme il l’avait si bien fait dans avec ses deux premiers romans**. Sa fabuleuse écriture minérale s’insinue en nous, comme du mercure. Nous hypnotise. Et nous offre, au hasard des pages, d’authentiques pépites.
Et si Lontano est un thriller cruel (ici, les scènes de crimes ridiculisent 99,99% de celles des séries policières), il est surtout l’histoire d’une famille brisée. De liens déchirés. Et il me semble que, plus il écrit, plus Grangé exprime son chagrin des âmes qui se sont perdues, sa souffrance des êtres humains qui se sont égarés. Plus ses héros sont inhumains, plus Grangé est humain. De cette humanité qui fait les vrais écrivains.

*Lontano, Jean-Christophe Grangé. Éditions Albin Michel. En librairie depuis le 10 septembre 2015.
**Le vol des cigognes, à (re)découvrir d’urgence, et Les Rivières Pourpres, au Livre de Poche, comme tous les autres, d’ailleurs.

Profession du fils.

Chalendon

Rentrée littéraire 2015. Sacré Sorj. Voilà plusieurs livres qu’il nous emmène avec lui dans la noirceur des âmes, la traîtrise des frères, la lâcheté des hommes, la douleur de Bobby Sands, la tragédie d’Antigone ; le voici qui nous ouvre les portes d’un immense petit drame familial*. Un trois pièce de province. Années 60. À l’intérieur, un couple, et leur fils Émile. Le papa est parano. Mytho. Border line. Donc sans profession. Et ça tombe bien parce qu’il n’y aurait pas assez de place sur les fiches scolaires pour répondre à la terrible question sans point d’interrogation : Profession du père.
Le fils : Émile, six, puis huit, puis onze, treize ans, est fasciné par son père. Il lui obéit au doigt, à l’œil, aux coups de ceinture, de poings et de pieds. Il devient son agent secret. OAS. CIA. Il devient sa marionnette. Son conneau. Il devient un tueur possible. La cible : de Gaulle. L’arme : un Mauser HSc.
Au fil des courts chapitres, au cours de l’écriture sobrissime de Sorj, Émile devient un authentique résistant, résistant au mal qui ronge son père et fait taire sa mère. Jusqu’au jour où l’arme familiale (le fameux Mauser HSc) est pointée contre le père. Profession du fils : tueur de père.
Pour la première fois, le père prend peur, et le livre magnifique commence. Qui nous emportera jusqu’à la fin, la folie triste, la mort, la petite crémation ; jusqu’aux premières larmes de Sorj, pardon, d’Émile.

*Profession du père, Sorj Chalendon. Éditons Grasset. En librairie.
PS. Une note de 5 (c’est à la mode) au directeur artistique qui a osé les magnifiques jaquettes de la rentrée Grasset.

La mère du Nord.

fournier

Rentrée littéraire 2015. Après son papa, ses garçons, son premier amour, son épouse, sa fille*, Jean-Louis nous parle de sa maman**. Sa mère du Nord. Une femme faite pour le bonheur et qui vivra des grands chagrins, par la disgrâce d’un mari alcoolique. « C’était maman qui pleurait, sous ses couvertures, tout bas, pour ne pas nous réveiller » (page 88).
Jean-Louis avait rangé ses précédents disparus sous des couvertures sombres (la couverture noire, dite La Bleue, chez Stock) ; il a, cette fois-ci, choisi une couverture blanche pour sa maman. Blanche comme neige, comme aile d’ange, comme porcelaine. Et c’est un Jean-Louis au grand cœur tendre qui, s’il ne peut s’empêcher quelques facéties (« Ma mère ne voulait pas faire de vagues » page 104), nous raconte des petites anecdotes sur elle, délicatement posées, comme des verrines, sur l’immense blanc des pages de son livre (il a toujours écrit très court, très aéré – des jardins japonais, dit-il de la mise en page de ses textes) ; un Jean-Louis apaisé donc qui, comme il me l’écrit sur sa dédicace, conserve les êtres chers dans ses livres, comme on conserve les cerises dans l’eau de vie. Car c’est bien de vie qu’il nous parle. De celle à qui il n’a jamais vraiment chuchoté qu’il l’aimait. Et qui lui manque. Le temps répare, semble-t-il.

*Respectivement : Il a jamais tué personne mon papa, Où on va papa ?, Poète et paysan, Veuf, La Servante du Seigneur, tous publiés chez Stock et au Livre de Poche.
**Ma mère du Nord, Jean-Louis Fournier. Éditions Stock. A paraître le 30 septembre 2015.

Non-Virgin suicides.

Sabolo

Rentrée littéraire 2015. Crans-Montana est un roman* très chic. Il se déroule dans une station suisse très chic, dans la partie francophone du canton de Valais, entre 1500 et 2995 mètres d’altitude. On y croise des Lamborghini Countach, des Rolls bleu, des italiens séduisants, des diams de cinq carats, du Dom Pérignon, des manteaux de fourrure à cinquante mille francs suisses, des rails de coke, des filles qui sucent dans les ascenseurs et laissent des bagues de rouge à lèvres, et des garçons éperdus d’amour pour ces filles qu’ils n’osent pas aborder : la bande des trois C, Chris, Charlie et Claudia – des filles qui finiront par se perdre, et des garçons qui n’auront rien gagné. On pensera bien sûr au magnifique livre d’Eugenides Jeffrey** qui, lui, se situait dans une banlieue chic de Detroit, en 1970, mais à ceci près que Monica Sabolo nous livre une version plus adulte, plus élégamment désenchantée, de cette époque où l’argent, la lassitude, et les fêtes coulaient à flots. Où les filles mouraient finalement davantage d’ennui que d’amour. L’écriture de Monica, comme le reste, est également très chic. Tout cela donne un livre confortable comme un Sacco italien des années 70, et grisant comme une balade sur le lac de Côme en Riva, foulard Hermès, sac Kelly, lunettes Emilio Pucci.

*Crans-Montana, de Monica Sabolo. Éditions Lattès. En librairie depuis le 26 août 2015.
**Virgin Suicides, de Eugenides Jeffrey (1995). Éditions Points. A voir, ou revoir, la formidable adaptation au cinéma de Sofia Coppola, avec la sublissime Kirsten Dunst.

Une faille grandiose.

SorrenteRentrée littéraire 2015. J’ai découvert Isabelle Sorente il y a 728 jours avec son époustouflant 180 jours. Elle revient avec un roman* torrentiel (l’adjectif m’est inspiré d’elle, page 375) ; un fleuve virtuose sur nos failles que certains prédateurs décèlent, voient à travers nous, avant nous, et qu’ils se délectent d’agrandir jusqu’à les rendre abyssales pour pouvoir y enfouir nos hontes, nos peurs, et, contre nous, retourner contre nos forces cachées – celles là mêmes qui appartiennent à l’homme noir, « (…) pas enveloppé de noir. Il n’avait pas la peau noire. Il était le noir, voilà ce qu’il était, le bloc d’antimatière, le trou dans le décor, le supplice éternel ».
La Faille est un roman féroce et lucide dans lequel on dégringole par la grâce d’une écriture tourbillonnante, brillante, qui nous hypnotise ; une écriture dense, comme un arythmie, dans laquelle notre souffle s’épuise à vouloir remonter. Une histoire d’eau, écrit Sorente, que tourmentent des trames souterraines. Voici donc l’histoire de l’emprise et de la chute de Lucie Scalbert, « la plus belle fille du lycée, avec un je ne sais quoi de dingue dans le regard », racontée par son amie Mina Liéger.
Vérifiez votre oxygène. Plongez. Et laissez vous dériver.

*La Faille, Isabelle Sorente. Editions Lattès. En librairie depuis le 2 septembre 2015.

Une sortie au milieu de la rentrée.

Il y a un an déjà. On ne voyait que le bonheur sortait pour la rentrée littéraire 2014. Le voici qui rentre au Livre de Poche et sort aujourd’hui, 3 septembre, le jour de la fête d’un saint au très joli prénom.

IMG_2133

On ne voyait que le bonheur, éditions Le Livre de Poche. Merci à Véronique, Audrey, Sylvie et Anne pour sa très jolie photo.