Un été rue des Saints-Pères (1/9). Philippe Grimbert, élégant psychanalyste et écrivain à succès, nous revient* sous les traits de Paul, psychanalyste et écrivain à succès sur le deuil. Sa femme Irène, poète dépressive, écrit de beaux poèmes dépressifs depuis que tous deux ont perdu l’un de leurs deux enfants. Ils sont désormais grands parents, goûtent à la lenteur des choses, à la solitude des retrouvailles à deux. Mais voilà que la dépression d’Irène est la plus forte et qu’elle se tue en voiture à l’endroit même où ses propres parents ont péri.
Lors d’une conférence qu’il donne sur le deuil, Paul rencontre un curieux bonhomme qui lui propose de dialoguer avec Irène. En fait, c’est là que l’épisode (digne d’un des meilleurs de ceux de Back Mirror) commence, quand est prêt l’avatar d’Irène avec qui Paul a rendez-vous chaque soir pour papoter.
Au début, c’est charmant. Irène minaude, sourit, prend de ses nouvelles, donne peu des siennes, « Je n’ai pas fait grand-chose, tu t’en doutes » (page 172), on se rêve à penser que c’est une idée formidable. Puis charmant, cela l’est moins. Ce qui devait être de joyeuses retrouvailles post-mortem vire à la désolation, à la conscience du deuil, justement. À l’essence même du chagrin. Et c’est là le tour de force de Grimbert dans ce roman au titre magnifique : faire revivre nos morts pour qu’on puisse choisir de les laisser enfin partir.
*Les morts ne nous aiment plus, de Philippe Grimbert. Chez Grasset, éditeur à Paris, sis rue des Saints-Pères. En librairie depuis le 5 mai 2021.