Premier roman. Hiver à Sokcho* est une sorte de flocon qui se pose sur une immensité blanche, un de ces textes délicats, précieux, précis, où le temps, la violence du monde et la fureur des choses n’ont pas leur place. C’est d’ailleurs là, en cet endroit précis de l’écriture que se situe la délicatesse de ce premier roman d’une très jeune femme de vingt-quatre ans, Elise Shua Dusapin, née d’un père français et d’une mère sud-coréenne et déjà, en Suisse, lauréate du très beau Prix Robert Walser. Et comme dans tout texte où l’écriture est silence et vent et frimas et douceurs et effleurements, l’histoire est un prétexte, une courte trajectoire –en l’occurrence celle qui va se faire frôler la narratrice sud-coréenne et un français auteur de bandes dessinées, venu l’hiver à Sokcho pour y travailler ; un hiver où le froid endort tout, fige tout, empêche tout, sauf quelques minuscules rêves, quelques minuscules pas, de ceux-là qui possèdent le pouvoir de changer à jamais. Hiver à Sokcho est à lire comme on écoute une musique. Le String Quartet n°12 in F major, opus 96 « American », de Dvorak, par exemple.
*Hiver à Sokcho, d’Elisa Shua Dusapin, éditions Zoé. En librairie depuis août 2016. Prix Régine Deforges 2017. (Quelle joie, je fais partie du jury !).