Isabelle Carré, « actrice connue, ce qu’on appelle depuis des années « un people » » ainsi qu’elle se définit elle-même page 243 de son premier livre*, Les Rêveurs, nous offre ce dont rêvent justement tous les magazines people : du croustillant, du drame, de l’amour et de la rédemption. Voici donc, à la manière d’un papillon qui se pose de fleur en fleur, l’histoire d’Isabelle déployée en chapitres courts, « mon récit manque d’unité, ne respecte aucune chronologie et ce désordre est peut-être à l’image de nos vies « (page 277), qui dévoilent des tentatives de suicide, la douce folie d’une mère, l’homosexualité d’un père, sa briganderie et son incarcération, les quatre-vingt fois où sa fille ira le voir en prison, les rêves de famille heureuse qui s’évanouissent, la danse qui ne lui permettra pas de s’envoler, les années sida, les années chagrin, les hommes qui passent, et puis le théâtre, la lumière enfin, les mille vies à vivre qui lui permettent, comme à la Camille de Musset « de s’exercer à travers d’autres vies à ne plus avoir peur de la sienne ». Mais ce que l’on retiendra surtout, au-delà des choux gras qu’auraient pu en faire ces magazines de salons de coiffure aux pages nécrosées et mots croisées arrachés, c’est ce à quoi aucun d’eux ne serait parvenu : une écriture pleine de grâce.
Car c’est sans doute ici qu’Isabelle Carré a trouvé ici son meilleur rôle. Celui d’un écrivain.
*Les Rêveurs, de Isabelle Carré. Publié au Livre de Poche le 30 janvier 2019, après l’avoir été aux éditions Grasset en janvier 2018.