Archive | Bouquins.

Non-Virgin suicides.

Sabolo

Rentrée littéraire 2015. Crans-Montana est un roman* très chic. Il se déroule dans une station suisse très chic, dans la partie francophone du canton de Valais, entre 1500 et 2995 mètres d’altitude. On y croise des Lamborghini Countach, des Rolls bleu, des italiens séduisants, des diams de cinq carats, du Dom Pérignon, des manteaux de fourrure à cinquante mille francs suisses, des rails de coke, des filles qui sucent dans les ascenseurs et laissent des bagues de rouge à lèvres, et des garçons éperdus d’amour pour ces filles qu’ils n’osent pas aborder : la bande des trois C, Chris, Charlie et Claudia – des filles qui finiront par se perdre, et des garçons qui n’auront rien gagné. On pensera bien sûr au magnifique livre d’Eugenides Jeffrey** qui, lui, se situait dans une banlieue chic de Detroit, en 1970, mais à ceci près que Monica Sabolo nous livre une version plus adulte, plus élégamment désenchantée, de cette époque où l’argent, la lassitude, et les fêtes coulaient à flots. Où les filles mouraient finalement davantage d’ennui que d’amour. L’écriture de Monica, comme le reste, est également très chic. Tout cela donne un livre confortable comme un Sacco italien des années 70, et grisant comme une balade sur le lac de Côme en Riva, foulard Hermès, sac Kelly, lunettes Emilio Pucci.

*Crans-Montana, de Monica Sabolo. Éditions Lattès. En librairie depuis le 26 août 2015.
**Virgin Suicides, de Eugenides Jeffrey (1995). Éditions Points. A voir, ou revoir, la formidable adaptation au cinéma de Sofia Coppola, avec la sublissime Kirsten Dunst.

Une faille grandiose.

SorrenteRentrée littéraire 2015. J’ai découvert Isabelle Sorente il y a 728 jours avec son époustouflant 180 jours. Elle revient avec un roman* torrentiel (l’adjectif m’est inspiré d’elle, page 375) ; un fleuve virtuose sur nos failles que certains prédateurs décèlent, voient à travers nous, avant nous, et qu’ils se délectent d’agrandir jusqu’à les rendre abyssales pour pouvoir y enfouir nos hontes, nos peurs, et, contre nous, retourner contre nos forces cachées – celles là mêmes qui appartiennent à l’homme noir, « (…) pas enveloppé de noir. Il n’avait pas la peau noire. Il était le noir, voilà ce qu’il était, le bloc d’antimatière, le trou dans le décor, le supplice éternel ».
La Faille est un roman féroce et lucide dans lequel on dégringole par la grâce d’une écriture tourbillonnante, brillante, qui nous hypnotise ; une écriture dense, comme un arythmie, dans laquelle notre souffle s’épuise à vouloir remonter. Une histoire d’eau, écrit Sorente, que tourmentent des trames souterraines. Voici donc l’histoire de l’emprise et de la chute de Lucie Scalbert, « la plus belle fille du lycée, avec un je ne sais quoi de dingue dans le regard », racontée par son amie Mina Liéger.
Vérifiez votre oxygène. Plongez. Et laissez vous dériver.

*La Faille, Isabelle Sorente. Editions Lattès. En librairie depuis le 2 septembre 2015.

Une sortie au milieu de la rentrée.

Il y a un an déjà. On ne voyait que le bonheur sortait pour la rentrée littéraire 2014. Le voici qui rentre au Livre de Poche et sort aujourd’hui, 3 septembre, le jour de la fête d’un saint au très joli prénom.

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On ne voyait que le bonheur, éditions Le Livre de Poche. Merci à Véronique, Audrey, Sylvie et Anne pour sa très jolie photo.

Selon Lydie.

LZ

Rentrée littéraire 2015. Premier coup de coeur de Lydie Zannini, libraire* passionnée et passionnante : Petits plats de résistance, de Pascale Pujol (Le Dilettante).
« De nos jours, Paris, Sandrine, employée à Pôle Emploi décide de faire baisser le chômage à sa manière ! Cuisinière hors pair, elle possède un nez pour découvrir les tire-au-flanc, surtout les mecs ! Elle ne s’essouffle jamais et a le don de trouver des idées nouvelles pour booster les paresseux. On ne s’ennuie pas et j’enverrais bien ce livre à nos politiques pour leur donner des idées !!! CAUSTIQUE, SAVOUREUX, DRÔLE !!! »

*Librairie du Théâtre, 01000 Bourg-en-Bresse.

Le conseil du Vavasseur.

Quelques jours de transat encore. A suivre, ce conseil de Pierre, à propos du très bon livre de François.

Vavasseur

Article paru dans Le Parisien-Aujourd’hui en France, le 19 août 2015.

Lisez des morts.

Antonio Garrido

À l’heure où les lecteurs professionnels lisent (enfin, parcourent) les textes de l’imminente rentrée littéraire – gigantesque ducasse du livre -, il est un lecteur extraordinaire, lui, qui lit vraiment, et bien au-delà des mots, de leurs significations et de leurs interprétations. C’est Le Lecteur de Cadavres*, ci-nommé Ci, inspiré par l’authentique chinois Song Ci, un homme du Moyen-Âge asiatique, précurseur et père de la médecine légale. Antonio Garrido, enseignant à l’université polytechnique de Valence,  nous offre, avec une écriture précise et pleine d’esprit, un voyage saisissant, palpitant, homérique, à la fois dans la Chine du XIIIè siècle et dans le corps humain, mais surtout, dans l’âme humaine (ses tourments, ses noirceurs et ses fulgurances).
Le Lecteur de cadavres est bien plus qu’un roman. C’est un livre d’aventure, un polar, un livre scientifique, un livre d’amour, de désirs, de tentations et de corruptions, un livre qu’on ne peut lâcher qu’à la sept-cent dix-neuvième page. Tremblez Dr. House, Kay Scarpetta, et autres Experts en fariboles, voici Ci, le lecteur de cadavres qui rend ses lecteurs heureux. Et même plus.

*Le Lecteur de cadavres, d’Antonio Garrido. Éditions Le Livre de Poche. En librairie depuis le 3 juin 2015.

Ecce Eco.

On connaît, bien sûr, l’immense Umberto Eco pour son Nom de la Rose, son Pendule de Foucault et ses formidables essais sur la langue, le langage et autres petites tragédies humaines ; le voici avec un roman* qui dépare légèrement de son œuvre, un peu comme déparait légèrement Le Parfum d’Adam, dans l’œuvre de Ruffin. Numéro Zéro se situe entre la fiction du journaliste et le pamphlet du romancier. Avec une finesse et un humour rares, Eco nous invite dans une salle de rédaction où il tord le cou à l’idée d’un journalisme sincère, au service de la connaissance du plus grand nombre, pour nous faire plonger dans les trucs, astuces et autres petites fourberies de ceux censés nous éclairer. Mais surtout, il raille les « complotistes » en développant la possibilité d’un complot, non seulement crédible, mais extrêmement bien documenté, sur Mussolini – lequel n’a cessé d’empoisonner la vie politique italienne, même (et surtout) après, sa supposée mort en 1945. Eco nous offre un roman rapide, précis et jubilatoire, ce qui, en ces périodes d’actualités journalistiques affligeantes, est bien précieux.

Umberto Eco

*Numéro Zéro, Umberto Eco. Éditions Grasset. En librairie depuis le 13 avril 2015.
PS. Ce bijou, page 152: « Les yeux des gens s’humidifient et tout le monde est satisfait. Il existe un mot allemand, Schadenfreude, la jouissance de l’infortune d’autrui. C’est ce sentiment qu’un journal doit respecter et alimenter ».

Trois Monnin sinon rien.

Isabelle MonninIsabelle MonninIsabelle Monnin

Rentrée littéraire 2015. Après trois romans* où la mort était assez présente, « celle d’un nourrisson de six jours, d’une sœur morte trop tôt ou d’un vieillard disparu trop tard » (page 282), Isabelle Monnin s’attaque avec bonheur à la vie**. Celles de ces gens dont elle achète un jour sur Internet les photos à un brocanteur du Nord : 250 tirages papier ou Polaroid ; des photos comme on en trouve dans tous les albums des petites gens, de ceux « dont on ne parle jamais » et dont la vie est vécue par tant de gens ; un lot qui viendrait, selon le vendeur, du Doubs ou de Franche-Comté.
Les visages, les images, les instantanés captés, ce qu’ils disent, ce qu’ils cachent, s’insinuent, poussent, et deviennent, malgré elle, son histoire, « (…) toute vie vaut la peine d’être racontée. Chaque vie est un témoignage de toutes les autres » (toujours page 282**). Devant ce matériau réel (les photos), Isabelle décide d’écrire le roman des images. Puis de mener l’enquête, de retrouver les gens dans l’enveloppe, de confronter sa fiction à leur réalité ; puis, comme dans les joyeuses retrouvailles, de finir en chansons. Et c’est là qu’Alex Beaupain intervient, qui, à son tour, raconte les rencontres (réelles et fictives) en 12 superbes chansons où il fait chanter des chanteurs (fiction) et quelques personnes de l’enveloppe (réel). Il semble d’ailleurs que le rapport réel/fiction soit au coeur de la rentrée littéraire de Lattès. Bref. Isabelle Monnin nous fait trois très délicats cadeaux avec ce livre : un roman très poétique, une enquête très humaine et un très bon CD (avec une bouleversante reprise des Mots Bleus).

*Les Vies extraordinaires d’Eugène, Second Tour ou les bons sentiments et Daffodil Silver, tous parus chez JC Lattès.
** Les gens dans l’enveloppe, avec Alex Beaupain. Editions JC Lattès. Sortie prévue le 2 septembre 2015.
***Non, je n’ai pas lu que cette page là.