Archive | Bouquins.

Dix bonnes nouvelles.

Enfantines

Petite récréation avec les Enfantines de Valéry Larbaud (29 août 1881 – 2 février 1957) ; dix délicieuses nouvelles comme un goûter dans l’ambiance poudrée d’un salon de thé de bord de Lac ; dix portraits d’enfants, et surtout d’enfances, qui portent déjà en elles les tonnerres de la vie d’adulte : les désirs étouffés, les mots impossibles, les rêves comme seules évasions –et vraies vies– possibles, les renoncements, les mensonges, quelques trahisons ; dix histoires délicates dans l’écriture élégante de Larbaud, doucement surannée, comme le souvenir d’une chose qui nous manque à jamais. L’enfance, justement.

Enfantines, Valéry Larbaud, éditions Gallimard (L’Imaginaire, La Pléiade « Œuvres »). En librairie depuis bien longtemps.

Dans le langage des fleurs, la pimprenelle signifie « tu es mon premier amour ».

Pimprenelle

Sortie de La Pimpinella en Italie, le 29 janvier. Voici ce qu’en dit La Reppublica* :
« « Quell’estate c’era Victoire. E c’ero io ». Non è detto, ma lo sanno tutti, che un romanzo, per colpire, debba andare avanti per molte pagine. Prendete La Pimpinella. Storia di un primo amore di Grégoire Delacourt, in uscita a fine mese. Un libro piccolo piccolo, appena 89 pagine, ma indimenticabili. Una storia di adolescenti, per adolescenti, che parla di Victorie, tredici anni « capelli color dell’oro, occhi di smeraldo come due piccole gemme e un bocca polposa come un frutto maturo ». E di Louis, quindici anni, che « era il suo amico. Ma sognava di essere molto di più ». Sullo sfondo la piscina in un’estate francese, dove i sentimenti si accarezzano e graffiano, e un adulto, Gabriel, si intromette a rompere equilibri fragili e delicati, como solo il primo, grande amor può avere. Si, proprio quei palpiti che ciascuno di noi custodisce da qualche parte nella memoria, e magari potrà rivivere, con un po’ di nostlagia, sfogliando queste pagine. Che dimostrano ancora une volta l’abilità di Grégoire Delacourt, classe 1960, che ha cominciato la sua carriera como pubblicitario nel 1982, e ha scritto il suo primo romanzo a cinquant’anni. Raggiungendo l’anno dopo, un gran successo con Le cose che non ha. Un successo, è una facile previsone, destinato ripetersi. »

* 9 janvier 2015.
La Pimpinella, Salani Editore, Milano. À relire, la chronique de Caroline.

 

Beau, beau.

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Des pommes et des oranges ne sont pas, à proprement parler, un sujet d’une originalité folle, au mieux des petites sphères de couleur qui embaument, évoquent parfois des jardins normands ou des pays sucrés, et pourtant, lorsque Cézanne s’en empare, et peint sa Nature morte aux pommes et aux oranges (1895-1900), on est soudain émerveillés, on redécouvre la beauté des choses banales, on se sent vivant ; eh bien il en est de même avec l’apparent sujet classique du très beau texte* de Valérie Zenatti qui nous embrase avec l’histoire de Jacob, de sa famille, de sa mère Rachel, Jacob ainsi nommé à cause de son frère mort, lequel se prénommait aussi Jacob, Jacob, qui possède une voix de velours et la beauté des innocents, Jacob, juif de Constantine, enrôlé en juin 44 pour libérer la France, et qui va découvrir la crasse de la guerre, celle, plus forte encore, de l’éloignement de ceux qu’on aime, et qu’on perd, inexorablement, Jacob qui va deviner l’amour dans sa beauté éphémère, son absence de promesses, dans le ventre doux d’une Louise qui s’appelle en réalité Léa et qui, comme un contemporain de Cézanne, n’a plus qu’une oreille, Jacob bouleversé, Jacob bouleversant, ange de 19 ans, parti comme tant d’autres, comme trop d’autres, tuer du Boche pour les français, mais que la grâce de l’écriture de Zenatti rend absolument unique avec ses belles phrases longues, longues, comme une plainte d’amour.

* Jacob, Jacob, Valérie Zenatti. Editions de l’Olivier. En librairie depuis août 2014. Prix Méditerranée 2014 – où j’ai eu l’honneur  d’être juré.

Micro-dictionnaire amoureux de Didier Decoin.

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C. Comme Coquine, Coquette, Cocotte et Cul. Il en parle divinement à C, comme Casque d’Or.
Comme Decoin, mais il préfère Dean. Comme James. Et nous fait découvrir la malédiction de Little Bastard. (À côté, la Christine du bon Stephen King, c’est de la rigolade).
E. Comme Enterrée Vivante. (Page 551).
F. Comme Frog. Le plus gros mass murderer connu –Londres en 1952. Ou comme Fantôme. Celui de l’Opéra par exemple, dont il nous raconte le drame d’Emma Livry (1862), morte brûlée, et qui serait à l’origine du mythe.
G. Comme Gégauff, Paul, qui disait à Coco Ducados, sa maîtresse : Tue moi si tu veux mais arrête de m’emmerder. Et elle le fit. Trois coups de couteau dans la poitrine.
H. Comme humour. Toutes ces chroniques en sont remplies (un 20/20 à « Demoiselles en détresse », entre autres. « Bela Kiss » n’en manque pas non plus). Quel bonheur !
L. Comme La Goulue. Dont on disait qu’elle était pire que jolie.
P. Comme Papa. Il lui rend hommage de ci de là, avec une fierté et une humilité confondantes.
T. Comme Touchant. L’histoire de Peg Entwistle, le fait divers le plus touchant pour Didier – une actrice qui se jette du H d’Hollywood à Los Angeles. Et celle de ces Roméo et Juliette modernes (page 633), pour moi, le plus TT (Tragiquement Touchant).
V. Comme Veau à la brabançonne. Comme anguille au Vert. Toutes ces choses « délectables » qu’il savoura à Bruxelles pendant quatre jours -en allant voir chaque soir Mayerling, dont il écrit ce bonbon rose, à propos de l’actrice principale : Qui n’a pas vu celle-ci en Marie Vetsera, les yeux timidement baissés sous un miracle de chignon de boucles d’or, la poitrine et les épaules ornées de roses moussues, de longs gants blancs gainant ses bras jusqu’au-dessus du coude, n’a jamais vu Catherine Deneuve.
Bref, une merveille ce dictionnaire.

Dictionnaire amoureux des Faits divers, de Didier Decoin, aux Éditions Plon. En librairie.

Symphonie familiale.

Si elle n’aimait pas les mots, Valérie Tong Cuong aurait été une grande compositrice. Elle nous avait offert un magnifique trio avec L’Atelier des miracles*, elle nous revient avec un remarquable quatuor**. Un homme, sa femme, sa belle-sœur, sa belle mère. Et au milieu d’eux, un gamin de sept ans. Un gamin en morceaux, sur un lit d’hôpital, après un choc assez raide – vélo contre auto. Une symphonie en quatre mouvements. L’accident (l’allégro). Le remord (le lento). La fuite (l’adagio). Et le pardon (la sonate). Au-delà de cette partition classique, éprouvée, Valérie nous développe une musique si précise, si particulière, qu’elle nous envoûte, nous fait pénétrer dans l’intimité de chacun, plonger dans ses failles ; qu’elle nous brûle à leurs mensonges et leurs peurs ; qu’elle nous fait battre le cœur plus fort avec leurs angoisses, leurs envies de rédemption, et finit, dans le dernier mouvement, par nous faire danser de joie. Maestra !
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*Éditions JC Lattès, 2013. J’ai Lu, 2014.
** Pardonnable, Impardonnable, Valérie Tong Cuong, éditions JC Lattès. En librairie depuis le 7 janvier 2015.

 

Ruoma nu.

BarskiVoilà un manteau* qui n’est pas uniquement destiné à nous réchauffer. Odile, que j’ai la chance de connaître depuis un épique salon du livre en 2011 (une histoire de carafon de vinasse, de poisson mal décongelé, et autres fous rires), nous avait déjà régalés avec l’excellent et solaire Never mort**. La voici qui nous revient en très grande forme avec ce genre où elle est reine : le roman noir. Noir comme le désir après qu’il se soit enfui ; noir comme les âmes de ces amants (Louise et Laurent, deux L, comme deux ailes engluées dans la passion, qui s’y débattent) ; ces amants qui sombrent doucement dans la folie d’aimer, à moins que ce ne soit dans l’amour fou. Méfiance tout de même. Parce que chez Odile quand un manteau se retourne, c’est tout de celle (ou celui) qui le porte, qui s’en retrouve retourné.

*Le Manteau réversible, Odile Barski, éditions de La Grande Ourse. En librairie depuis le 7 janvier 2015.
**Éditions du Masque, Masque de l’année 2011.

 

À lire, Allibert.

Emmanuelle est mon attachante attachée de presse depuis plus de quatre ans. Depuis plus de quatre ans donc, elle doit se farcir mes bouquins, essayer de me faire croire qu’ils ne sont pas trop nuls, et surtout, surtout, essayer de le faire croire aux autres. (Un rôle qui tient davantage de l’apostolat que d’un simple boulot mollement rémunéré).
Et la voilà qui se met à écrire* à son tour. La voilà qui, désormais, va se demander si les proches que nous sommes allons être sincères, allons lui faire croire que son livre n’est pas trop nul, et surtout, essayer de le faire croire aux autres.
– Alors, alors ?
Allibert_blog_DelacourtHommage de l’Auteur absent de Paris est une très joyeuse plongée dans le monde de L’Auteur : un portrait plein de drôlerie sur ses infinis travers, sa lourdeur pachydermique parfois, son appétit pantagruélique et sa descente depardieusienne (surtout quand c’est gratuit – comme dans les salons du livre), sa désarmante naïveté quant à la qualité littéraire de son œuvre, et son incompréhensible incompréhension lorsque les chiffres définitifs de vente tombent : soixante-trois –par exemple (page 170).
Emmanuelle écrit (très bien) et décrit avec un humour vache, et au fond plein de tendresse, ce milieu qu’elle connaît par cœur (et avec le cœur), cet univers qui fait rêver. Jusqu’à ce qu’on l’ait lue.

*Hommage de l’Auteur absent de Paris, Emmanuelle Allibert, éditions Léo Scheer. En librairie dès ce matin.

 

La bête.

La bête

À la fin de son magnifique livre*, Ursula Hegi écrit : « (…) pour repousser la bête, il faut d’abord lui donner un corps pour que tous voient, craignent et rient avant de sonder ce dont on a vraiment peur ». Voici l’histoire d’une jeune institutrice (et sa douloureuse naissance), Thelka Jansen, qui, dès 1933, assiste à la lente et perverse ingérence de la nouvelle pensée allemande jusqu’au cœur de sa classe, découvre la fascination morbide d’un de ses élèves de dix ans pour les Jeunesses Hitlériennes, et le sinistre undeutsche Bücher, qui ordonna de brûler les livres antiallemands (Schnitzler, Proust, Wolff, Bernhard, Sinclair et tant d’autres). C’est un livre terrible parce que calme, puissant, inéluctable, qui donne raison à ce qu’écrivait Heine : « Là où l’on brûle des livres on finira par brûler des gens ». Ursula Hegi écrit la naissance de la bête et nous fait prodigieusement aimer jusqu’à la faiblesse des bras de ceux qui veulent la repousser – mais qu’elle achèvera de broyer.
(Je sais, je sais, ce n’est pas folichon pour commencer l’année mais c’est très beau. Et on ne demande pas toujours à la beauté d’être folichonne).

*Brûlures d’enfance, de Ursula Hegi, aux éditions du Livre de Poche. Déjà en librairie.