Dans les cadeaux inattendus que j’ai reçu pour Noël, il y avait ce petit livre au curieux titre, 5 bis*, écrit par une certaine Aude Turpault. Elle me l’a adressé parce qu’elle avait, m’écrivait-elle, apprécié la chronique que j’avais consacré au très bon livre de son amie Lisa Balavoine et aimé particulièrement l’un des miens (merci, merci). Je l’ai lu d’une traite – une immense gourmandise que je réfrénais à chaque page.
5 bis est le numéro de la maison qu’habitait Gainsbourg rue de Verneuil. C’est là où, alors qu’elle a treize ans, pas jolie, s’autoportraitise-t-elle, voyoute, sœur d’un frère chiant, parents compliqués, on connaît, là où, en compagnie d’une copine (à deux on a moins peur), elle décide de sonner pour rencontrer celui dont elle est fan. Ma fanatique, dira-t-il.
Il ouvre.
Il ouvre sur une amitié qui va durer cinq ans, jusqu’au funeste 2 mars 1991. Une amitié magique et féroce ; cinq années qui verront le corps d’Aude devenir celui d’une adolescente puis d’une jeune femme tandis que celui de Gainsbourg deviendra celui de Gainsbarre. Une amitié parfumée à la gitane, noyée au Tanqueray ou au Noilly Prat, nourrie aux cantines des plus grands hôtels. Mais surtout une amitié rare, de celle qui constitue le socle d’une vie, qui empêche de tout à fait sombrer dans ses abîmes et laisse la trace d’un père qui manque, d’une histoire pas bien écrite au départ et qui fait le lit du chagrin, de la colère ou de quelques envies de meurtres, parfois. Aude Turpault écrit remarquablement bien ces cinq années qui ont changé sa vie (et un peu la nôtre si l’on se souvient de tout ce que Gainsbourg a révolutionné) et achève sublimement son récit dans la douleur de l’enfance qui s’efface et s’enfuit. Il faut bien que les choses disparaissent pour que nous ayons la certitude qu’elles ont existé.
*5 bis, de Aude Turpault. Éditions Autour du Livre, collection « Récits Books. » En librairie depuis février 2011 (dans une version augmentée et illustrée) et avant, en 2002, aux éditions Florent Massot.