Je me souviens, dans les années 70, de quelques programmes de télévision, dont l’épatant (j’avais 10 ans) Samedi est à vous, de Bernard Golay, et, le même soir, le show (on disait les variétés) de Maritie et Gilbert Carpentier. Et puis le dimanche, le Graal. Deux films. Le premier vers 14 heures sur la première chaîne de l’ORTF. Le second vers 17 heures sur la deuxième chaîne. On y jouait souvent un western d’un côté et un film de cape et d’épée de l’autre. Eh bien, en lisant le nouveau livre de Mireille Calmel, j’ai eu l’impression d’avoir à nouveau dix ans. De me retrouver devant la Pizon Bros en noir et blanc (que mon père avait loué chez Locatel, convaincu que cette invention ne « prendrait pas »). De voir un de ces films de cape et d’épée qui vous fait bondir sur votre fauteuil. Rebondir à cause des rebondissements. Une histoire, non pas d’hommes comme alors, mais de femmes, Les Lionnes de Venise, qui se battent pour récupérer ce qu’on leur a volé, en l’occurrence une gravure dans laquelle tout le monde s’accorde à penser qu’elle contient « le secret du pouvoir absolu » ; mais qu’importe, les femmes se battent comme des hommes, les dagues fusent, les combats redoublent, les trahisons se dévoilent, les traîtres, les salaud-ope-s, tout est là, intact, comme au plus fort de mes dix ans, Les Trois Mousquetaires, Les Ferrets de la Reine, Fanfan la Tulipe, ah Gérard Philipe, ah, Jean Marais, et ah, j’en passe. À ces deux heures de film, pardon, à ces trois cent trente-neuf pages de livre (et ce n’est que le premier tome), Mireille ajoute ce que les réalisateurs, ou les producteurs, ou les scénaristes, ou les acteurs, n’osaient alors pas : du cul. Mais pas du cul d’aujourd’hui, avec menottes et fouets gentils, non, du cul de l’époque, du désir sauvage, de la culbute, du dépucelage rugueux – et au moment où la « morale », celle qui a une odeur, semble revenir au galop, cette liberté de ton fait du bien. Merci Mireille.
*Les Lionnes de Venise (tome 1), de Mireille Calmel. Éditions XO. En librairie depuis le 18 mai 2017. En terme de liberté de ton, on relira avec jubilation La Marquise de Sade, toujours de Mireille, paru en 2014 chez XO.