Il est des livres qui ont l’art de vous foutre une claque. J’en avais pris une grande à l’époque, avec Les saisons de Maurice Pons. Une autre avec L’Agneau Carnivore d’Augustin Gomez-Arcos. Une troisième, avec pétage de plombages, avec Last Exit to Brooklyn d’Hubert Selby Jr. et notamment la nouvelle intitulée Tralala. Aujourd’hui, c’est Thomas Vinau qui m’explose avec Le Camp des Autres. Un roman à l’écriture d’une incroyable minéralité, où poussent des mots organiques, vivants. Jamais je n’avais ainsi lu la forêt. Jamais je n’avais autant ressenti les feuillages, le vent, le poids de l’eau, les insectes sous les écorces, les becs des rapaces qui fouillent dans les goitres égorgés, les petits os craquants sous les mâchoires des rongeurs (page 31). Jamais je ne m’étais aventuré aussi loin dans la chair des choses. Vinau est un conteur d’une sensualité folle, un écrivain de l’abîme. Dans ce quatrième roman, il raconte l’histoire d’un garçon, Gaspard, qui, avec son chien blessé, a fui dans la forêt, où il va rencontrer un certain Jean-le-Blanc, et avec lui, rejoindre la Caravane à Pépère, une authentique bande de déserteurs, bohémiens, prisonniers évadés, qui terrorisèrent nos campagnes en 1906 avant d’être arrêtée l’an suivant par ce qui allait devenir la Brigade du Tigre. Et c’est alors l’occasion rêvée pour Thomas Vinau de nous peindre ces humanités sublimes, écorchées, felliniennes, avec une langue sublime, écorchée et fellinienne. L’occasion de régler ses comptes à toute cette merde infâme et magnifique qui fait notre réalité. La pauvreté des mots. Le courage de certains et l’ignominie des autres (page 192).
Osez pénétrer dans ce camp des autres parce que même si on s’y salit, on en sort grandi.
*Le Camp des autres, de Thomas Vinau. Éditions Alma. En librairie depuis le 23 août 2017. Merci, merci à Rémy Ehlinger de la Librairie Coiffard à Nantes pour cette fabuleuse découverte.