Denise a été assassinée. Denise avait 79 ans. Elle habitait un petit pavillon, dans une impasse. Derrière le pavillon, un bois. Derrière le bois un Décathlon. Et à l’entour, on ne sait pas très bien. Des barres, peut-être. Avec « les vieux, les pauvres, les migrants, les errants (…) » (page 240). Les invisibles. Justement. Là ou les assassins de Denise sont invisibles. Ils ou elles ont fait fort. Denise a été massacrée. On lui a volé des bricoles. Une vieille, des bricoles, ça ne remue pas les foules. Pas la police en tout cas. Pas la justice. C’est un petit fait divers. Bien moins juteux que la disparition d’une jolie gamine de seize ans. Retrouvée violée. Poignardée. Ou une jeune femme enceinte bouffée par son pitbull. Non. Le corps de la vieille, on le glisse sous le tapis du silence. Avec la poussière de l’indifférence.
Mais voilà que Denise, née Le Pohon, est la sœur aînée d’Irène Frain, écrivain. Et voilà la cadette, abasourdie par ce silence, qui prend la plume, enfin ses doigts, pour taper sur le clavier de son ordinateur ce Crime sans importance*, dans lequel, comme un saumon qui remonte sa rivière, elle part à la recherche du criminel mais surtout de sa sœur, car entre elles, le silence était là depuis bien longtemps. C’est à ces douloureuses retrouvailles, celle d’une vivante et d’une morte, que nous invite la délicate Irène Frain à assister dans un texte plein de pudeur et de colère mêlées. Deux ans après l’assassinat de Denise, Irène n’a pas trouvé l’assassin, « il avait la peau noire et il était rentré chez les victimes par l’arrière de la maison » (page 243), mais elle a retrouvé sa sœur et au passage peut-être quelques Prix littéraires.
*Un crime sans importance, de Irène Frain. Éditions du Seuil. En librairie, pardon, en click and collect (clique et collecte) et sur Internet depuis le 20 août 2020. Prix Interallié 2020.