Il est très difficile, semble-t-il de « survivre » après un premier livre (malheureusement) formidable sur son malheur. Ainsi Régine Salvat qui, après avoir raconté dans un livre étourdissant, la poignante odyssée de son fils 1 qui demandait à Sarkozy le droit de mourir, nous a offert, deux ans plus tard, un discret roman 2 de terroir et depuis, dommage, plus de nouvelles. Margaux Gilquin, elle, après avoir raconté dans Le dernier salaire 3 sa galère de quinqua en fin de droits, un texte urgent et grave, revient avec un roman-récit qui en est, me semble-t-il, la suite poétique, et annonce l’éclosion, certes encore timide, mais l’éclosion d’un écrivain. Dans Apprendre à danser sous la pluie 4, on la retrouve, après le succès de son récit, à la campagne sous les traits de Laura, dans ce temps qui s’étire et succède aux grands fracas, où elle se reconstruit lentement ; dans ce calme justement qui permet enfin d’affronter ses démons, comme la mort d’une sœur jumelle sur la RN7, un jour de juillet 1968 – à croire que c’est toujours l’innocence qui se fait emporter en premier. Margaux-Laura retrouve alors son passé au moment ou elle perdait son futur et découvre que le présent est le seul lieu de vie possible. Malgré quelques maladresses encore, notamment dans le récit de la reconstruction amoureuse (mais les coups qu’on prend n’abîment-ils pas aussi les mots pour le dire ?), Margaux Gilquin célèbre avec son premier roman le triomphe de la plus belle des solidarités : l’amitié. Et ça, ça vaut son pesant de cacahuètes
1. Une histoire à tenir debout, de Régine Salvat. Éditions Lattès, 2011.
2. Bugarach, le mystère de la femme oiseau, éditions TDO, 2013.
3. Le dernier salaire, de Margaux Gilquin, Éditions XO, 2016
4. Apprendre à danser sous la pluie, Éditions Lazare et Capucine, 2018.