On connaît, bien sûr, l’immense Umberto Eco pour son Nom de la Rose, son Pendule de Foucault et ses formidables essais sur la langue, le langage et autres petites tragédies humaines ; le voici avec un roman* qui dépare légèrement de son œuvre, un peu comme déparait légèrement Le Parfum d’Adam, dans l’œuvre de Ruffin. Numéro Zéro se situe entre la fiction du journaliste et le pamphlet du romancier. Avec une finesse et un humour rares, Eco nous invite dans une salle de rédaction où il tord le cou à l’idée d’un journalisme sincère, au service de la connaissance du plus grand nombre, pour nous faire plonger dans les trucs, astuces et autres petites fourberies de ceux censés nous éclairer. Mais surtout, il raille les « complotistes » en développant la possibilité d’un complot, non seulement crédible, mais extrêmement bien documenté, sur Mussolini – lequel n’a cessé d’empoisonner la vie politique italienne, même (et surtout) après, sa supposée mort en 1945. Eco nous offre un roman rapide, précis et jubilatoire, ce qui, en ces périodes d’actualités journalistiques affligeantes, est bien précieux.
*Numéro Zéro, Umberto Eco. Éditions Grasset. En librairie depuis le 13 avril 2015.
PS. Ce bijou, page 152: « Les yeux des gens s’humidifient et tout le monde est satisfait. Il existe un mot allemand, Schadenfreude, la jouissance de l’infortune d’autrui. C’est ce sentiment qu’un journal doit respecter et alimenter ».