Toujours sur ces routes magnifiques, bordées de vert, silencieuses ; où l’on croise un énorme 4X4 toutes les heures, une Camry toutes les deux heures, une joggeuse en fluo comme dans tous les films de série B tous les dix miles et, de temps en temps, un General Store où l’on trouve tout. Des « Kayak Barbie », des « butter biscuits » ou des petits trains en fer. Bref. Voici une petite virtuosité hitchcockienne, période Fenêtre sur cour (1954). Voici Rachel, tous les jours dans le 8 h 04, qui mène d’Ashbury à la gare d’Eton. Tous les jours, par la fenêtre du train, elle voit ce joli couple, et tous les jours, elle invente leur vie, un peu par désœuvrement (la sienne est déglinguée, moche, titubante à cause du chagrin et de l’alcool), et un peu par enchantement (et si sa vie reprenait vie ?). Et puis un jour, la jolie femme du joli couple disparaît. Et ce que Rachel a vu, ou cru voir, nous entraîne dans un roman à trois voix (trois voies, aussi), nous offre trois magnifiques portraits de femmes, si tragiquement humaines, qui, sous couvert d’un thriller absolument addictif, nous dépeignent chacune à leur manière, et toutes avec effroi, l’immense et cruelle banalité du désir, et la lâcheté irréversible de quelques hommes.
*La Fille du train, Paula Hawkins. Editions Sonatine et… Kindle.