En vieillissant, les femmes pleurent (et rient).

Kanor

« Je ne suis pas un homme qui pleure* » possède le charme des tribulations. Je me souviens de ma joie de gamin en découvrant pour la première fois « L’homme de Rio » sur la Pizon Bros familiale – une histoire qui mélangeait tous les genres (comédie, policier, aventure, amour, amitié, exotisme), dans un rythme qui ne laissait pas le temps d’aller aux toilettes. Il me semble qu’avec ce septième roman, après le précédent qui traitait, avec une belle gravité, de l’exil et de la perdition des hommes**, Fabienne Kanor aborde le genre enchanteur d’une tribulation.
Voici un roman tour à tour drôle sur une femme qui vient de se faire larguer, une roman triste sur une femme qui vient de se faire larguer, joyeux sur une femme larguée qui essaie de ne pas être totalement larguée, avec les hommes, mais aussi avec sa culture, (elle est née ici mais de là-bas quand même, et là-bas on la dit d’ici), le roman désenchanté et euphorique d’une écrivain qui aime se dire écrivaine, qui n’a connu que des bides (264 exemplaires vendus de son dernier roman), qui rêve (son éditeur surtout) du grand œuvre, du best-seller à la Gavalda à la Pancol, à qui vous voulez à plus de cent mille, le roman jubilatoire et touchant d’une femme perdue qui essaie de se retrouver dans l’écriture –cette chose qui « rafle tout » ; un roman sur l’immense malentendu de l’écriture justement : « L’amour ne fait pas écrire. On cesse d’écrire quand on le trouve. On n’écrit plus quand on le perd. » (Page 114). Kanor lâche les mots comme on lâche les fauves, et nous entraine dans une vie magnifique puisqu’il y a toujours quelque part, comme une bouée, l’étonnante sagesse d’une maman, Gisèle en l’occurrence, qui empêche de tomber et donne accessoirement ses plus beaux mots au livre (page 226) : Le bien, c’est quelque chose qui fait du bien aux autres, mais pas toujours à soi. Le mal, c’est quelque chose qui fait du bien à soi, et jamais aux autres. Respect.

*Je ne suis pas un homme qui pleure, de Fabienne Kanor. Éditions Lattès. En librairie le 3 février 2016.
**Faire l’aventure. Lattès, 2014.