Voici un livre comme un film de Sautet. Quatre potes la cinquantaine largement derrière eux, ont chacun épousé des femmes beaucoup plus jeunes. Le narrateur, Lucien, écrivain, raconte sa rencontre puis sa rupture avec Zoé, éditrice, et persille son histoire de celle des autres afin sans doute d’y trouver le point de rencontre de leur malheur. Car rien ne fonctionne vraiment longtemps dans ces amours à part peut-être le chagrin qui s’en suit, le vide qu’il semble laisser toujours, la désillusion qui colle à la peau comme un parfum bon marché. Mais de Sautet, il est peu fait ici d’attendrissement, de cette émotion sourde qui chignole le cœur et fait naître ce sentiment pour l’autre, pour ce personnage qui passe. Et puisque cette farandole se déroule dans le milieu de l’édition, le poison du cynisme l’emporte bien sûr sur les élixirs d’amour.
La vraie émotion vient du fait que Patrick Besson raconte son histoire vraie.
Je connais Zoé, elle ne s’appelle pas Zoé mais travaille bien rue Jacob dans le 6ème ainsi qu’il est précisé dans le livre, et c’est d’imaginer ces deux-là, l’auteur costaud aux 84 livres et l’éditrice, fine liane blonde, dans cette danse de désir et d’échec, cette poisse qu’on efface de soi d’un livre, qui au fond est le plus pathétique — « Quand on a cessé d’aimer les gens, écrit Besson page 163, c’est qu’on ne les aimait pas » — et dès lors le plus convaincant.
*Scènes de ma vie privée, de Patrick Besson, aux éditions Grasset. En librairie depuis le 18 octobre 2022.