Après avoir été photographe, nouvelliste, primo-romancier, voici Franck Courtès en météorologue* de cette France des années 85 (date de l’apparition de la Renault Express qui, dans le livre, remplace la 4L), ces années où la terre avait encore un parfum, une âme, juste avant le béton des politicards, la disgrâce des banlieues, avant l’arrivée des « Marocains » et avec eux l’herbe qu’on va se mettre à fumer dans ces campagnes où l’herbe était plus verte.
Franck s’attaque, avec une écriture élégante, au combat du Bien et du Mal, autrement dit de la tradition contre le progrès, au travers d’une histoire d’enfance – celle de Quentin l’handicapé et de son frère Benoit, fils du garde de l’ancien château de Mortcerf, et celle de Gary, le gamin violent, capable à treize ans de briser le cou d’une vache et, plus tard, le cœur des filles. L’histoire du voyou contre le paysan. De la fumée de la terre qui s’éveille contre celle des pétards. Du blanc de la neige contre celui de la cocaïne. Il y a de la pub Herta dans ce livre – celles, magnifiques, que filmait Jean Becker et que la musique de Pierre Bachelet rendait envoûtantes –, des paysages d’avant, des hérons, des renards, des sangliers, des liserons et des hirondelles. Et puis soudain le chaos. Sur une majeure partie de la France est un roman sur tout ce qu’on a perdu, qui ne reviendra plus, et qu’au fond, on doit apprendre, ou accepter, de ne pas regretter – puisque la nostalgie n’est plus ce qu’elle était.
*Sur une majeure partie de la France, de Franck Courtès. Éditions JC Lattès. En librairie le 20 janvier 2016.