Au moment où j’achève la lecture du formidable roman de Mahir Guven, Grand frère*, Françoise Peille, à l’occasion d’une rencontre à la médiathèque de Montgeron, m’offre son livre, Frères et sœurs, chacun cherche sa place**, et il m’apparaît très vite qu’il est comme un de ces hasards heureux.
Mahir Guven, dans ce premier roman brillant et féroce, raconte, à deux voix, l’histoire de deux frères franco-syriens, ou plus exactement, les degrés de séparation de deux frères. L’un, le grand, chauffeur de VTC au grand dam de son père, chauffeur de taxi classique, regarde le monde au-delà de son pare-brise, comme d’un aquarium, cet univers que la main pourrait toucher mais n’y parvient jamais, un lieu qui vous appelle mais ne vous ouvre jamais la porte. Et l’autre, le petit, infirmier, parti en Syrie par idéalisme teinté d’humanitaire. Le roman est sur cette distance, ces liens fragiles, cette difficulté à grandir loin des embrigadements physiques et psychiques ; il est sur la violence, l’impossibilité même, du retour. Il est sur ce qu’on perd parfois dans une fratrie. C’est un roman puissant, d’une écriture forte, mais plus encore, c’est un roman libre.
Et voici que Françoise Peille m’explique, à travers son ouvrage passionnant, comment vivre mieux dans sa famille, comment occuper sa place unique et précieuse, qui influera toute la vie.
Et nous fera décider un jour de partir en Syrie faire le djihad, par exemple. Ou de reprendre simplement le taxi de son daron.
Étonnant hasard.
*Grand Frère, de Mahir Guven. Éditions Philippe Rey. En librairie depuis le 5 octobre 2017. Première liste du Médicis.Prix Regine Deforges 2018.
** Frères et sœurs, chacun cherche sa place, de Françoise Peille. Éditions Hachette Pratique. En librairie depuis 2005 et republié en 2011.