Rentrée littéraire 2017. Voici un récit touchant comme un premier roman – nourri à l’impudeur et à la sincérité. En vingt-trois chapitres, Hervé Goupil, devenu Le Tellier parce que sa mère n’aimait pas le terme moyenâgeux du renard, nous invite à découvrir sa drôle de famille, et surtout sa mère folle, comme le mentionne le bandeau qui ceint le livre – que je ne crois pas folle d’ailleurs, mais davantage membre de cette bande de mères, comme il y a des bandes de voyous ou de zigotos, dans laquelle on retrouve celle de Romain Gary, d’Albert Cohen ou d’Olivier Bourdeaut, toutes ces mères à huit bras, envahissantes, étouffantes, toxiques et fières, qui font de leurs fils des survivants, des hommes solides et fragiles à la fois, des fêlés en quelque sorte, ceux-là qu’Audiard disait aimer parce qu’ ils laissent passer la lumière. Le Tellier nous raconte son enfance, ses livres, Le Club des cinq, Bob Morane, et puis Jules Verne, Dumas, Wells, la science-fiction et notamment Le Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, truffé de mots étonnants dont s’amusera plus tard le grand oulipien Jaime Montestrela qui vit en lui. Toutes les familles heureuses (titre emprunté à une citation de Tolstoï) est un livre qui doit sa petite grâce à celle de son écriture et son charme à une certaine nudité des choses. Le chapitre quinze, La mort de Piette est, à ce titre remarquable d’émotion crue et retenue à la fois.
*Toutes les familles heureuses, de Hervé Le Tellier. Éditions Lattès. En librairie le 23 août 2017. Première liste du Renaudot 2017.