En 2005, Stéphanie Janicot avait déjà fait ce constat dans son livre de nouvelles Tu n’est pas seul(e) à être seul(e)* et il semble bien que, près de quinze ans plus tard, les choses ne se soient guère arrangées puisque Jean-Louis vient à son tour nous parler de la solitude dans son dernier livre (je dis « dernier » parce qu’avec lui on doit être prêt à tout) : Je ne suis pas seul à être seul**. La différence entre les deux livres tient essentiellement aux titres. Dans le premier, Stéphanie s’adresse à quelqu’un, « tu », elle n’est donc pas tout à fait seule. Dans le second, Jean-Louis, parle à « je », donc lui, la première personne qu’il croise. Il est donc beaucoup plus seul que sa consœur. Si Stéphanie livrait 16 nouvelles sur 182 pages bien denses, les 167 pages de Jean-Louis sont bien esseulées, clairsemées de quelques phrases tour à tour mélancoliques et drôles, oscillant entre un brin de potacherie : « le cubi de rosé est vide et mon ver solitaire » (page 146) et l’immense tendresse dont on le sait capable et qu’il ne peut s’empêcher de réfréner : « Depuis qu’elle est partie [sa chatte, Salomé], elle est partout. Avant, elle n’était qu’à un seul endroit à la fois, maintenant, je la vois partout » (page 101). Comme les vaches qu’il adore, Jean-Louis rumine sa solitude. Il en fait un chagrin. Une force, aussi. Même s’il est vieux (c’est lui qui le dit), qu’il en vient à aimer les moustiques qui lui tiennent compagnie (page 36) et qu’on ne l’appelle plus, il nous rappelle qu’il n’a rien perdu de son regard amusé sur le monde, de son cynisme nécessaire et nous prouve, s’il en était encore besoin, qu’il est unique.
*Tu n’es pas seul(e) à être seul(e), de Stéphanie Janicot. Éditions Albin Michel en mai 2005. Puis au Livre de Poche depuis le 9 juillet 2008.
**Je ne suis pas seul à être seul, de Jean-Louis Fournier. Éditions Lattès. En librairie depuis le 2 octobre 2019.