Dans la première partie de son œuvre, Sophie Bassignac nous avait entraîné au tréfonds de quelques douleurs familiales et conjugales, puis, celles-ci apaisées, semble-t-il, elle s’était ouverte avec délectation et pour notre plus grand bonheur à la comédie loufoque, policière parfois. On se souvient notamment d’Un jardin extraordinaire* et de Comédie musicale*. Et si l’on pouvait parfois réfréner notre plaisir pour cause de trop d’excentricité, voire de bizarrerie, elle trouve avec son huitième roman, un équilibre parfait, une sorte de grâce joyeuse qui fait enfin de son univers singulier une véritable jubilation. La distance de courtoisie** (quel beau titre) est une comédie franchement réussie autour d’un tableau volé, une nature morte de Chardin (pour commencer), dans un musée de province, mais surtout un formidable prétexte à dérouler une galerie de personnages inoubliables d’hommes et de femmes, qui, comme les toupies de notre enfance, tournent sur eux-mêmes, autour des autres, et papillonnent qu’ils sont, en manque d’amour, de tendresse et de certaines chaleurs humaines, tenus comme il se doit par cette fameuse distance de courtoisie qui fait le lit des solitudes, des frustrations et de quelques sublimes ratages ; le tout dans une écriture élégamment sur-vitaminée (mais quel est ton régime, Sophie ?) qui nous fait sourire souvent, avant de nous toucher là où ça résonne longtemps. En un mot, je le répète : jubilatoire.
* Tous deux publiés aux Éditions Lattès, 2012, 2015.
** La distance de courtoisie, de Sophie Bassignac. Éditions Lattès. En librairie depuis le 31 janvier 2018.