Voilà un livre à deux visages. À le lire comme un roman, il raconte la lâcheté d’un homme, militaire de carrière, époux d’une femme qu’il n’aime pas : « Elle faisait mine de me lutiner, mais me repoussait en fait. Elle se forçait. Je la forçais » (page 108) et amant d’une femme qu’il apprend à aimer et avec laquelle il a un garçon qu’il ne connaît pas. La femme meurt. Le remord s’installe. Il retrouve Jeanne la maîtresse. Veut rencontrer son fils. Puis, alors qu’il aborde le temps de la retraite –nous sommes dans les années 70 –, la douceur s’installe enfin dans son cœur. La paix. Et c’est fini. Mais à le lire comme un récit, le texte prend une toute autre tournure. Ainsi l’on suppose que Xavier Houssin qui nous avait offert un très beau livre sur sa mère, La mort de ma mère justement,nous proposerait aujourd’hui le livre sur son père qu’il n’aurait connu que sur le tard, étant lui-même reconnu bien tard. Dans ce cas, Houssin serait « le garçon » de l’officier de fortune, le fils qui raconte le père en prenant sa place, en autopsiant ses failles, ses colères d’homme d’arme, ses regrets de géniteur. Et à cause de la citation de Restif de la Bretonne qui conclut le livre (page 142) et évoque ces pères qui cherchent à faire une bonne action afin de ne pas être déshonoré par ceux-là mêmes qui perpétueront leur nom, à savoir les fils, c’est cette lecture alors bouleversante que je retiens de ce formidable petit livre.
*L’Officier de fortune, de Xavier Houssin. Éditions Grasset. 148 pages.
En librairie depuis le 5 février 2020.
**La mort de ma mère, éditions Buchet-Chastel, 2009.