Ce n’est plus de terrorisme dont il est question dans ce nouveau roman, mais d’une autre violence, celle faite à l’enfance par la guerre.
Dans Le Magasin jaune*, nous suivons, de 1929 à 1942, la vie des habitants de la rue Germain-Pilon, et surtout la famille de Quinze, petite fille belle comme une photo de Doisneau, nous entendons les éclats de rire et les éclats tout courts au Coup du rouquin – le bar où échouent rêves et colères –, nous voyons les enfants qui grandissent, les couples qui dansent, jusqu’à l’ombre, sombre, moite, qui recouvre peu à peu les corps et les paupières, l’ombre de la guerre qui ne vient pas, une année entière, à demi enterré, à guetter l’arrivée des méchants, et puis ça y est. Le chaos. Le feu. Les T 38. Les Mark II. Les Panzer Mark IV. Les corps mutilés. Arrachés. Envolés. Les hommes effondrés. Et les rares, qui rentrent. En morceaux. La vie qui change à jamais. Les jouets qui ne rient plus. L’occupation. Et cette enfance, toujours, qui ne grandit plus droit. Qui a les bras trop petits pour changer le monde. Et qui, surtout, ne veut pas devenir ces adultes-là.
Marc nous offre un joli livre sur ce moment de bascule, quand l’innocence se perd dans la tragédie, ce temps de tous les possibles aussi, quand les bombes et la cruauté des hommes ne parviennent pas tout à fait à détruire notre âme d’enfant.
*Le Magasin jaune, de Marc Trévidic. Éditions Lattès. En librairie depuis le 7 mars 2018.
À noter que, dans ce torrent d’émotions, Marc parvient à conserver son formidable sens de l’humour ; ainsi, page 30 : « Finalement, on s’accorda sur une robe en crêpe de soie et de laine. Gustave souligna qu’il y avait indiscutablement un côté finistérien dans le crêpe ».