« Lire à Limoges », samedi 28 avril. Il est 9 heures, le salon ouvre ses portes. En bon soldat, je suis déjà là, assis, seul à mon stand et j’attends. Il fait froid, mes doigts s’ouvrent et craquent en se tendant vers un gobelet en plastique, de la fumée en sort, timide – un café que l’on me propose. Merci. J’attends. Comme il pleut dehors, que le ciel est sinistre, je suppose que les gens préfèrent rester chez eux, emmitouflés dans leur lit ou dans la chaleur de la cuisine.
À côté de moi, les livres de Pierre Vavasseur que je connais bien – les livres, comme l’homme. Il y en a un que je n’ai pas lu*. Alors je l’attrape, l’ouvre, commence sa lecture.
Trente minutes plus tard, alors que quelques personnes pénètrent maintenant sous le grand barnum, je l’ai terminé et j’en suis tout retourné. Presque rudoyé.
Avec la délicatesse d’une sonate de Chopin, Pierre pose les mots de rupture, de désir et donc d’amour, comme le polonais posait ses notes. Chaque phrase est un chant, chaque chant une poésie. En 99 pages, il raconte la gourmandise des hommes, la faim des femmes, avec une foudroyante tendresse. Le jour où j’ai quitté ma femme est à lire comme on savoure une dragée. On laisse d’abord fondre le sucre, doucement, avant de tomber sur l’amande. De la croquer, à la fois heureux d’y être parvenu et triste parce c’est déjà fini.
Il y avait quatre exemplaires de ce magnifique livre sur sa table ; du coup, je les ai vendus.
*Le jour où j’ai quitté ma femme, de Pierre Vavasseur. Éditions Lattès (2003).