« À une époque où l’esprit des hommes se retrouve prisonnier d’un matérialisme ambiant induit par l’environnement dans lequel il baigne, là même où l’Église peine tellement à les orienter vers la beauté d’une existence plus noble, les expériences de Rosemary Brown représentent à la fois un défi et un signe bienvenus destinés à celles et ceux qui réussiront à y entrevoir une ouverture vers d’autres hémisphères. Il existe en effet un monde invisible qui prévaut bien au-delà du nôtre. Si une telle certitude pouvait nous imprégner, notre vie sur terre s’écoulerait à l’aune d’une éternité radieuse ». Voici ce qu’écrivait Arthur Mervyn, évêque de Southwark à propos de Unfinished Symphonies, le livre de Rosemary Brown, spirite née en 1916 à Londres, morte en 2001, qui affirmait recevoir chez elle des compositeurs décédés, lesquels lui dictaient de nouvelles partitions inédites. Ainsi Debussy, Grieg, Schubert (…) et Chopin. Il n’en fallait pas davantage à l’érudit voyageur qu’est Éric Faye pour faire sa trousse d’écrivain et emprunter le chemin de cette étonnante aventure. La télégraphiste de Chopin* est une enquête littéraire autour d’un documentaire librement inspirée de la vie de cette spirite. Fumiste ou sincère ? Manipulatrice ou révélatrice d’un autre monde ? À l’heure où de nombreux pays sortaient groggys de l’ère communiste, une petite bonne femme jouait au piano les mazurkas inédites du génie polonais. L’histoire que délivre Faye dépasse largement l’anecdote (savoureuse) et nous interroge sur ce(s) monde(s) que nous n’avons pas fini ni d’inventer ni d’explorer (et qui ne sont pas nécessairement bien harmonieux, d’ailleurs). La vie au-delà de la vie. Une très belle partition.
*La télégraphiste de Chopin, d’Éric Faye. Éditions du Seuil. En librairie depuis le 14 août 2019.