Maria Ernestam pourrait être une cousine suédoise de Laura Kasischke. Comme elle, elle maîtrise l’art feutré de ces narrations sur la pointe des pieds ; le don de ces mots innocents qui décrivent les grands tourments ; la grâce de ces souvenirs posés là, l’air de rien, d’apparence heureux, mais qui sont des guerres. Les oreilles de Buster (depuis deux ans dans ma bibliothèque sans que j’aie envie de l’ouvrir – et pourquoi ces jours-ci ? je ne sais pas) est un livre envoûtant. A 56 ans, Éva se met à noircir les pages d’un cahier que lui a offert sa petite fille. Éva se raconte. Éva se dévoile. Ne ment plus. Nous confesse tout. Elle nous entraine malgré nous dans ses ombres fascinantes, nous cogne aux murs de ses lumières. Éva est une femme formidable, touchante et vénéneuse. Une fille blessée. Une amoureuse contrariée. Elle est le sel même des grandes vies romanesques. Une très belle rencontre. (Au fait. Buster, c’est le nom d’un chien. Et les oreilles, c’est ce qu’elle lui coupe pour les garder sous son oreiller ; avoir ainsi une oreille… attentive).
Les oreilles de Buster, de Maria Ernestam, aux éditions Gaïa, depuis novembre 2011, et en poche (éd. Babel) depuis janvier 2013.