J’avais croisé Anne-Marie Revol lorsqu’elle reçut le Grand Prix des lectrices de ELLE en 2011, catégorie document – ex-aequo avec « Algérie 1954-1962 » de Benjamin Stora –, pour son récit « Nos étoiles ont filé », sa réponse poignante à la mort dans un incendie de Pénélope et Paloma, ses deux filles, l’une âgée de deux ans et demi, l’autre, de seize mois.
Elle avait alors des cheveux qui tombaient sur les épaules et un immense chagrin que sa force de vie empêchait de triompher, et il est donc compréhensible, cinq ans plus tard, lorsque nous nous sommes à nouveau croisés que je ne l’ai pas immédiatement reconnue avec ses cheveux courts, son rire clair, et surtout son énergie solaire.
C’est alors qu’elle m’a parlé de son premier roman1, publié chez Lattès (ce que j’ignorais !) et que je me suis empressé de lire.
Lors de la joyeuse interview qu’elle fit de moi pour Télématin, et alors que nous parlions de livres et d’enfance, elle me confia avoir adoré (moi aussi, quel hasard !) Les aventures de Jo, Zette et Jocko, et je ne pus m’empêcher d’y trouver l’origine du titre de son livre – une sorte d’énorme clin d’œil à notre enfance, justement.
Gaspard ne répond plus est un livre ample, terriblement romanesque, plein de vie, plein de drôleries, plein de listes :-), plein de saveurs, d’odeurs, plein de rires (une mention spéciale aux aptonymes, page 394), et de larmes agréables ; une histoire rocambolesque, des zestes de joyeuses invraisemblances, mais nous savons tous que Jo, Zette (et Jocko) ne peuvent pas piloter le char amphibie, ou le Stratonef, ni venir à bout du « Patron », mais quelle joie de les voir réussir ; une sorte de scénario de série télé – comme il semble que les succès doivent être écrits aujourd’hui2 ; bref, un roman joyeux, jubilatoire même, sur le monde de la télé réalité (tiens, tiens), et surtout sur ces quelques candidats qui cherchent quelque chose d’infiniment plus beau que la victoire.
Eux-mêmes.
Et c’est justement dans cette trajectoire qu’est la grâce légère du roman d’Anne-Marie : avoir retrouvé la joie de vivre après l’horreur indicible, et oser la partager sans retenue.
1. Gaspard ne répond plus, d’Anne-Marie Revol. Éditions Lattès. En librairie depuis le 11 mai 2016.
2. La quatrième de couverture du plus gros succès annoncé de l’année ne précise-t-elle pas : « Intense et captivant, un cold case aussi addictif qu’une grande série télé » ?