Il fallait bien qu’un jour je cède à la sirène d’un livre de développement personnel car n’est-ce pas en goûtant que l’on affine son goût ? La sirène, c’est Aurélie Caruso, rencontrée cet été à La Baule autour de mes livres et qui parvint surtout à me parler du sien avec tant d’étoiles dans les yeux que je ne résistai pas à l’envie de m’y plonger. (Dans le livre, pas les yeux).
La Souffleuse de cœur* raconte donc le burn-out de Romane, avocate genevoise de la cause des femmes. Bien sûr elle est jolie, aisée et célibataire — ce qui semble être le minimum pour candidater à la grosse déprime.
Un médecin lui conseille alors l’usage de psychédéliques pour descendre au lieu de son infortune, ce qu’elle fait, ainsi que de méditations. La voilà aimantée par ce versant différent de la médecine. Elle rejoint une communauté éco-quelque chose, potager et toilettes sèches, gens tous charmants, polis et bienveillants, et y croise un gars, beau gars au demeurant (oui, oui, ils finiront ensemble). Plus tard, elle entreprend un voyage au Pérou pour s’y livrer, sous l’autorité d’un chaman, à l’expérience de l’ayahuasca (vomissement, diarrhée et joie) à l’issue de laquelle elle se sera trouvée, quittera son job, travaillera dans une ONG et vivra face à la mer dans la maison bretonne en bois du gars mentionné ci-dessus.
Ne voyez surtout aucune ironie dans cette chronique. Je me sens, face à ce texte, un peu comme la poule devant l’œuf. Ce qui m’a surpris ici, au-delà de la grande sincérité d’Aurélie Caruso (dont Romane est plus que probablement le double romanesque), au-delà de son grand enthousiasme à partager ses expériences, c’est l’absence de réel, l’absence du poids des choses et des contingences — comme si le monde raconté était déjà un monde parallèle, une sorte de Truman Show.
Ceci dit, méfiance. Certains de nos bons politiciens semblent eux aussi tomber dans les sirènes de ces vies parallèles. Pour preuve cette vision de Marine Tondelier (EELV) à propos de la Booty Therapy qu’elle endosse : « C’est une revendication du fait de s’assumer tel que l’on est, d’accepter son physique, d’assumer son histoire, d’appréhender ses émotions et de les libérer (…). Les personnes peuvent relâcher leurs émotions et guérir une partie de leurs traumas et épreuves à travers des exercices collectifs ».
Je ne sais pas si en se remuant les fesses, Tondelier a trouvé sa voie, en tout cas, en remuant les mots, Caruso a assurément trouvé la sienne.
*La Souffleuse de cœur, de Aurélie Caruso. En librairie et sur Amazon depuis le 29 novembre 2023.