Ce n’est pas moi qui le dit, mais sa fille (page 135*) ; sa fille qui prend la plume pour essayer de comprendre pourquoi son pigeon voyageur de père l’a quittée lorsqu’elle avait sept ans, les a tous quittés, sa mère et ses quatre sœurs, sans un mot, sans un claquement de porte, comme un voleur qui n’emporte rien que les cœurs de celles qui l’aimaient et les abandonnent dans le bas-côté de sa vie.
Après son formidable récit sur son fils**, Francine Ruel s’attaque au totem du père, « qui ressemble à s’y méprendre à l’acteur Clark Gable » (page 24) et elle le fait à l’âge où l’on aurait davantage envie de parler de soi — j’ai soixante-quinze ans, écrit-elle —, et la délicatesse inouïe de son texte vient de ce qu’elle a justement gardé son âme de petite fille, son regard d’enfant perdue dans l’absence du père.
On apprendra simplement que sa mère a demandé à son père de choisir entre « nous et toutes les autres » et qu’il a choisi.
Mon père est un pigeon voyageur est le beau message d’amour que Francine accroche à la patte de son père, de tous les pères, pour leur rappeler de quel amour ils sont les gardiens. Et de quelles tragédies parfois les coupables.
*Mon père est un pigeon voyageur, de Francine Ruel, aux éditions Libre Expression, en librairie depuis le 10 octobre 2024.
**Anna et l’enfant-vieillard, aux mêmes éditions depuis le 1er septembre 2022.