Un été rue des Saints-Pères (5/9). Voici un livre* qui n’a de roman, je suppose, que le personnage principal d’Étienne Dardel (comme dard, darder, qui darde, qui pique), lanceur d’alerte de son état, double littéraire de David Dufresne, journaliste bien connu des services de police pour avoir fréquemment enquêté sur eux et leurs méthodes et qui nous livre ici un récit (comme on livre un coupable) sur les exactions policières au temps des Gilets Jaunes. Pour avoir moi-même raconté ces gars des ronds-points dans un roman cette fois**, je ne peux que me réjouir qu’un type aussi renseigné que Dufresne viennent mettre ses pattes dans ce bourbier car il ne faudrait pas qu’on oublie la violence dont a été capable l’État durant de longs mois – précisément l’usage excessif de la violence, dénoncée par l’ONU, tout comme les nasses, jugées illégales par le Conseil d’État –, qu’on n’oublie pas le mépris des gouvernants pour les mecs qui clopent et roulent en diesel, les Gaulois réfractaires, les 60 millions de procureurs, qu’on n’oublie pas cette répression démesurée qui a laissé un grand nombre d’éborgnés, de mutilés et de morts, dont la malheureuse Zineb Redouane, 80 ans, à cause d’une grenade lacrymogène reçue à la tête alors qu’elle fermait ses volets.
Dernière sommation est la sommation faite à notre mémoire. N’oublions jamais ce qu’ils ont fait – eux, aujourd’hui si prompts à dégainer l’Ausweis de sinistre mémoire au moindre souci d’autorité.
*Dernière sommation, de David Dufresne. Éditions Grasset, éditeur à Paris, rue des Saints-Pères. En librairie depuis le 2 octobre 2019
**Un jour viendra couleurs d’orange, Grasset (2020), Livre de Poche (2021).