Bien avant la page 162, ce texte* m’évoquait lointainement celui de Buzzati, Le désert des Tartares, dans lequel il est question de soldats qui attendent une guerre qui ne viendra pas, et voilà qu’à ladite page 162, sans doute mû par une volonté d’hommage, Jean-René Van Der Plaetsen cite le livre de l’italien en précisant que non, ce n’est ici pas la même chose et nous dévoile donc la fin de ce mélancolique, langoureux et sensuel Métier de mourir. Voici ici deux hommes, le Vieux et le Jeune, chargés (avec d’autres) de surveiller un check-point au Liban en ce printemps 1985, à Ras-el-Bayada précisément. Le Vieux se fait appeler Belleface. Il a, semble-t-il, réellement existé, connu toutes les guerres et semble vouloir toutes les faire pour tuer un fantôme. Le jeune fait celle-ci dit-il, afin de « comprendre pourquoi les hommes s’entretuent pour cette terre » (page 185).
Mais voilà que Belleface pressent la voiture suicide.
Le Métier de mourir, c’est le beau roman académique de cette attente. Longue. Interminable. Fatale. L’histoire de ces deux hommes qui, en attendant, s’observent. Se souviennent chacun de leurs blessures. Savent. Et ne se défausseront pas.
Et lorsque viendra la dernière page, on ne pourra s’empêcher de se souvenir du précédent titre de Van Der Plaetsen, La nostalgie de l’honneur, tant il peut être beau de mourir pour les autres.
Ce à quoi plus grand monde aujourd’hui ne semble être prêt.
*Le Métier de mourir, de Jean-René Van Der Plaetsen. Éditions Grasset. En librairie depuis le 26 août 2020. Prix Renaudot des Lycéens, 2020.