Rentrée littéraire 2020. Voici un roman* pas tout à fait comme les autres puisqu’il tient également du reportage, du documentaire, de l’enquête et bien sûr du romanesque. Pas étonnant quand on sait que son excellent auteur est aussi un excellent journaliste et qu’il réunit ces deux excellences dans un texte d’une impérieuse humanité en ces temps de haine de l’autre. Kateb, le narrateur, est recueilleur de paroles. Ainsi écoute-t-il les autres, ces funambules de la vie qui, à un moment où à un autre, ont dérapé, glissé, chuté.. Et les bénévoles qui les aident. Il recueille leurs histoires pour qu’elles ne s’évanouissent pas dans le bruit du monde. Témoigner que chaque vie, même si on en est tombé, mérite la grâce d’un livre.
Dans Les funambules, Kateb suit les routes cabossées des uns et des autres, tous inoubliables, tout à la recherche de celle qu’il a profondément aimée. Mais ratée. Nadia. Son fantôme. Et plus il s’avance dans le cœur des autres, plus il s’approche d’elle. Plus on tremble avec lui. Plus on se sent vivant avec lui. Là est le grand tour de force de Mohammed Aïssaoui : nous démontrer qu’aimer une seule personne c’est aimer le monde entier. Et prendre le risque de le sauver.
Et puis, en filigrane de ces rencontres, de ces voyages dans les existences des autres, reviennent comme des petites cartes postales quelques souvenirs d’enfance. Du pays quitté à neuf ans. Du goût des abricots. Et d’Hanabella, la mère magnifique. Cette femme qui ne sait ni écrire ni lire et donne à son fils ce prénom de Kateb qui justement signifie écrire.
Écris nous. Écris le monde, mon fils. Écris la beauté de chacun. Écris la beauté de l’autre, semble-t-elle dire.
C’est ce que votre fils vient de faire, Hanabella. Et de la plus éblouissante des façons.
*Les funambules, de Mohammed Aïssaoui. Éditions Gallimard. En librairie le 3 septembre 2020. Sur la première liste du Renaudot et du Goncourt 2020.