Je me souviens de Gould. Ses doigts commençaient doucement, gracieusement, et puis ils s’animaient, s’accéléraient jusqu’à en être flous, et nous emporter ailleurs, dans des contrepoints inattendus, des vertiges abyssaux, et lorsqu’ils s’immobilisaient à nouveau, j’étais groggy. La partition de Régis tient de cette virtuosité. Voilà pour le style et le rythme de ces Variations fantômes*.
Pour l’histoire, nous voici aujourd’hui dans L’Étoile, le château de Philippe Wolf. Des bruits curieux s’y font entendre. Des boules de billard jouent toutes seules. Des lampes s’allument, s’éteignent, grésillent. Des frôlements se font sentir. Arrivent alors le docteur Morel et ses six élèves – comme six X Men – chargés de défantômiser l’endroit. Mais comme rien n’amuse plus Régis que de brouiller les pistes, ce début, qui pourrait ressembler à un excellent Club des Cinq (des Six, en l’occurrence) tourne vite à une ambiance élégamment flippante à la Agatha Christie, voire parfois à celle plus inquiétante de Shinning, dont la démesure ici ne serait pas la folie mais l’amour, et notamment cette privation d’amour ; cette impossibilité de s’aimer qui torture encore, bien, bien longtemps après, les âmes des amants maudits. Pour notre plus grand plaisir de lecteur frissonnant.
*Les Variations fantômes, Régis Descott. Éditions JC Lattès. En librairie depuis le 1er avril.